Le Conseil constitutionnel doit résoudre vendredi un aride problème de droit sur les doubles poursuites pénales et fiscales, dont dépend en partie le sort judiciaire du plus célèbre fraudeur de France, Jérôme Cahuzac.
Non conformes avec les droits de l'homme ? Les Sages donneront à 10 heures leur réponse aux "questions prioritaires de constitutionnalité" (QPC) posées dans deux affaires distinctes par l'ancien ministre du Budget, et par les héritiers de la riche famille de marchands d'art Wildenstein, soupçonnés d'avoir dissimulé au fisc des sommes pharaoniques. Ils ont obtenu une suspension de leurs procès, en mettant en cause la conformité de deux articles du Code général des impôts avec le principe de "nécessité des peines", consacré par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Double peine. L'un de ces articles prévoit des redressements majorés de jusqu'à 80% en cas d'"omissions" ou d'"inexactitudes" dans les déclarations au fisc : c'est une sanction administrative. L'autre article menace d'amendes (jusqu'à deux millions d'euros) et de peines de prison (jusqu'à sept ans) "quiconque s'est frauduleusement soustrait" à l'impôt : c'est une sanction pénale. Pour les avocats du ministre qui réceptionnait des enveloppes de cash sous le nom de "Birdie", et des millionnaires qui ont caché leurs Bonnard et autres Fragonard, cela revient à punir le fraudeur deux fois. Et à violer une protection vieille comme le droit romain, qui parlait de "non bis in idem" : pas deux fois pour la même chose.
Les procès reprendront. Les époux Cahuzac, en plus d'une éventuelle amende ou peine de prison, ont déjà accepté un redressement fiscal majoré, de 2,3 millions d'euros. Les héritiers Wildenstein se voient, eux, réclamer plus de 500 millions d'euros par le fisc. Quelle que soit la réponse du Conseil constitutionnel, les procès reprendront, parce que Jérôme Cahuzac comme les Wildenstein ne sont pas jugés "seulement" pour fraude fiscale. Les prévenus doivent aussi répondre de délits plus graves, échappant au champ des "QPC" et pour lesquels le passage au tribunal reste incontournable: le blanchiment et, pour Jérôme Cahuzac, la violation des obligations de transparence des ministres.