L’Éducation nationale souhaite améliorer la mixité sociale à l’école, dans les collèges des grandes villes notamment. Pap Ndiaye fera des annonces début 2023 et consulte, en ce moment, les représentants de l’enseignement privé sous contrat, financé à 75% par l'État. D’après les statistiques du ministère, moins de 20% des collégiens sont d’origine sociale défavorisée dans le privé, contre plus de 40% dans le public. Et les enfants de parents très favorisés sont deux fois plus nombreux dans l’enseignement privé qu’au sein des établissements publics.
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Mais le privé, qui dit déjà plancher sur cette question, refuse qu’on l’oblige, sous la contrainte, à améliorer la mixité sociale. Que ce soit en imposant des quotas, ou en le contraignant à intégrer un système de "carte scolaire", dictant l’affectation d’un enfant en fonction de son adresse et, parfois, en fonction de son origine sociale (la mobilité d’élèves issus de milieux défavorisés vers des établissements accueillant traditionnellement des familles plus aisés est ainsi stimulée dans la procédure "Affelnet", utilisée dans le choix des lycées publics à Paris).
Un problème de ségrégation sociale plus complexe et davantage géographique
D’après Philippe Delorme, secrétaire général de l’Enseignement catholique, si des différences sociales persistent entre établissements, c’est parce qu’elles recoupent celles qui existent au sein d’une même ville. "L’implantation des écoles privées s’est historiquement développée dans des quartiers plus aisés", argumente-t-il. "Et la situation aujourd'hui, de 'ghettoïsation' est souvent la conséquence d'une politique de la ville désastreuse depuis des dizaines d'années", complète Philippe Delorme. Autre frein, avancé par l’enseignement privé : impossible d’accueillir des élèves très défavorisés en raison de la cantine non subventionnée.
Un coût trop élevé de la restauration
"Quand vous avez, dans une région, un repas à la cantine payé 0,50 centimes d'euros et que chez nous, on a une cantine autour de 6 euros ou 7 euros, il est évident que les familles ne viennent pas", reprend Philippe Delorme. "On peut faire un effort énorme sur le coût de la scolarité, en appliquant un tarif progressif en fonction des revenus, mais pas sur la restauration."
Le chercheur au CNRS Julien Grenet, économiste et spécialisé sur les questions d’éducation, tient à souligner que la mixité sociale est un atout. "Mélanger les élèves ne pénalise pas les très favorisés, mais ça peut faire progresser beaucoup les élèves plus en difficulté, et pas seulement du point de vue des résultats scolaires, mais de tout ce qu'on appelle les compétences non cognitives la confiance en soi, le rapport aux autres, l'orientation après le baccalauréat", explique-t-il en s’appuyant sur des études américaines menées sur le sujet.
Le "libre choix" des familles garanti par la loi
"Et si on compare par rapport à d'autres pays, en France, la scolarité privée, coûte 2.000 euros à 3.000 euros par an, contre 10.000 euros voire 15.000 euros à l’étranger où le privé n’est pas subventionné", poursuit Julien Grenet. "Puisque l’État finance, est-ce que cela ne mérite pas un tout petit peu plus de contrôle sur l'équité d'accès à cet enseignement, à partir du moment où tout le monde contribue à payer l'école privée via ses impôts ?". Cependant, juridiquement, l’État ne peut réguler l’affectation des élèves vers le privé sous contrat. La loi garantit en effet, depuis les années 1950, le "libre choix" des familles d’intégrer cet enseignement, à très grande majorité catholique.