Le congrès des anesthésistes s’ouvre vendredi à Paris, une profession qui s’était retrouvée à la Une des informations après le drame d'Orthez : dans cette commune des Pyrénées Orientales, un anesthésiste belge, alcoolique, avait causé la mort d'une mère lors de son accouchement. Cette affaire avait mis en lumière la pénurie criante d'anesthésistes en France et incité le ministère de la Santé à commander un rapport. Remis à Marisol Touraine, ce document n’a pas encore été rendu public , ce devrait être le cas dans les prochaines semaines. Pourtant, sur le terrain, la pénurie d’anesthésistes est toujours aussi criante.
Hôpital recherche anesthésiste. Pas d’opération chirurgicale sans anesthésiste, chargé d’endormir le patient pour limiter sa douleur mais aussi de veiller à ce que le dosage des produits utilisés ne devienne pas dangereux. Un métier qui suppose d’être disponible à tout moment et d’endosser une grande responsabilité, en termes d’assurance notamment. Autant dire qu’ils sont devenus indispensables et leur nombre a sensiblement augmenté : entre 1981 et 2015, ils sont passés d’environ 3.500 à plus de 10.000, selon les chiffres de l’Insee. Pourtant, ils ne sont pas assez nombreux : à la rentrée 2015, 529 postes d'anesthésistes étaient à pourvoir dans les quelques mille hôpitaux de France. Pour la seule région Centre, il manque 53 praticiens, tandis que les hôpitaux de Basse-Normandie en recherchent 24.
L’intérim devenu indispensable. En attendant de trouver la perle rare, les établissements de santé n’ont pas d’autre choix que de recourir à l’intérim. Sauf que ce système a pris des proportions folles, incontrôlables. D’abord parce que le maintien en activité de certains blocs opératoires ne repose que sur ces intérimaires, devenus indispensables et donc très chers. Si bien bien qu’un anesthésiste intérimaire gagne aujourd’hui 650 euros net la journée : en dix jours, il peut encaisser autant que ce que gagne mensuellement un médecin en fin de carrière.
Une fausse solution qui aggrave la pénurie. S’il pallie aux urgences, le recours à l’intérim aggrave la situation à moyen et long terme. D’abord parce cela coûte cher, comme peut en attester Marc Pescio, à la tête du service anesthésie de l'hôpital de Pontoise : "l’hôpital a budgété 650.000 euros pour l’année 2015 mais la situation va s’aggraver en 2016. Si nous n’arrivons pas à recruter des médecins, ça va tourner autour de 1,170 million. Ça double le prix de cinq permanents", détaille-t-il.
En attendant de trouver des titulaires, ce médecin repousse son départ à la retraite. Mais il risque d’attendre longtemps car les anesthésistes qui sortent de formation ont tendance à succomber à l’appât du gain. De plus en plus préfèrent devenir intérimaire, d’autant que cela ne les empêche pas de se fixer sur un ou deux établissements : les avantages de l’intérim sans les inconvénients qui vont avec. Pire encore, des médecins titulaires n’hésitent pas démissionner pour devenir eux aussi intérimaires de luxe.
Augmenter les salaires pour enrayer la tendance ? Pour essayer d'endiguer ce phénomène, les syndicats estiment qu'il faut augmenter les salaires de bases. Ces derniers soulignent qu’un titulaire gagne aujourd’hui deux à trois fois moins qu’un intérimaire et proposent d’aligner la rémunération des premiers sur celle des seconds. "Finalement, la rémunération de l’intérimaire ne correspond-elle pas davantage à la vraie valeur du travail du médecin anesthésiste-réanimateur ?", s’interroge le Smarnu, l’un des syndicats de la profession, à propos de cet "important différentiel de rémunération entre le médecin anesthésiste-réanimateur hospitalier et libéral". Les intérimaires sont en position de force pour négocier, alors que le gouvernement promet un plan d'action dans la foulée de la publication du rapport resté jusqu'à maintenant confidentiel.