Ils livrent courrier, colis et rendent désormais visite aux personnes âgées. La Poste a lancé officiellement lundi "Veiller sur mes parents" un nouveau service proposé par les facteurs, inspiré du dispositif anti-canicule. L'idée est de permettre aux familles de faire appel aux agents de la Poste pour qu'ils s'assurent de la bonne santé de leurs aînés, parfois isolés, lors de leur tournée. Les seniors peuvent aussi être connectés à un centre d'assistance.
Après chaque visite, le facteur est ainsi chargé d'informer les proches du bon déroulement du service et des besoins éventuels des seniors via une application dédiée sur smartphone. Le tout pour un forfait variant en fonction du nombre de visites (19,90 euros par mois pour une visite par semaine, 99,90€ pour quatre visites...) "Le facteur est la personnalité préférée par les personnes âgées et la seconde chez les Français de tous âges. Cela fait de lui un prestataire de confiance", expliquait fin avril Philippe Wahl, le PDG du groupe La Poste au quotidien La Croix, pour justifier la mise en place de "Veiller sur mes parents."
"C'est rassurant pour tout le monde". En France, 40.000 postiers ont été formés à ce nouveau service et une centaine de facteurs ont déjà été mobilisés lors d'une phase de test, précise l'entreprise de services postaux. C'est le cas de Yoann Labbé, postier à Angers. Depuis deux mois, il rend visite à une octogénaire : "C'est une dame qui vit seule dans son appartement dans le centre-ville. Son fils unique habite à Toulouse. Elle ne se voyait pas déménager, ni aller dans une maison de retraite. C'est rassurant pour tout le monde", explique-t-il. "Une fois par semaine, je sonne à l'interphone, je monte et on discute ensemble de tout et de rien. Je vérifie aussi que les équipements d'assistance fonctionnent bien. "Pour moi cela va dans la continuité de la transformation de la Poste. Elle se diversifie en proposant de nouveaux services", soutient Yoann Labbé.
"C'est la fin d'un service public". Mais ce nouveau service n'est pas vu d'un bon œil par tous les facteurs. Certains d'entre eux arguent que les visites chez les personnes âgées existent déjà dans les faits, à la seule différence qu'elles se font de manière spontanée et surtout gratuites. "C'est la fin d'un service public", déplore Samuel Ruesche, secrétaire départemental Unsa-Poste dans le Maine-et-Loire. "Maintenant, on veut tout faire payer. Prendre des nouvelles des personnes âgées, c'est quelque chose que l'on fait déjà. Certains facteurs font la même tournée depuis 30 ans. Les personnes qu'ils croisent ne sont plus leurs clients, certains sont des amis. Ils connaissent leur habitudes", précise-t-il.
"En tant que facteur, nous avons un rôle social. On discute quand on peut, quand on a le temps aussi", assure également Pascal Frémont, facteur à Saint-Étienne-de-Montluc en Loire-Atlantique et représentant syndical à Sud PTT. "Pour nous, le service public doit être ouvert à tous et non seulement à une certaine catégorie de personnes qui peut se l'offrir".
"Est-ce que ça va rallonger mon temps de travail?". Pour les syndicats, c'est aussi la question de la responsabilité vis-à-vis de la personne âgée qui pose problème. "Qu'est ce qui se passe si, entre deux visites, la personne décède ? A la Poste, on nous dit que nous ne sommes pas responsable. Mais on se pose tout de même la question", souligne Pascal Frémont.
Une interrogation existe aussi sur l'organisation du nouveau service. "Si l'on me demande d'aller rendre visite à trois clients, est-ce que ça va rallonger mon temps de tournée ? Est-ce que le travail que je n'aurais pas le temps de faire se repartira sur d'autres postiers ?", se demande Samuel Ruesche. "Malgré la baisse de l'activité courrier, les facteurs ne manquent pas de travail. Car depuis plusieurs années le nombre de postiers a baissé", souligne-t-il.
De son côté, la Poste tente de rassurer : "Si cela dépasse du temps hebdomadaire, dans un premier temps, les facteurs seront payés en heures supplémentaires puis les tournées pourront être aménagées". Et si le dispositif venait à cartonner, elle n'exclut pas de recruter. Mais pas de quoi apaiser les syndicats : "C'est logique qu'ils nous payent des heures supplémentaires si l'on travaille davantage. C'est la loi", répond Pascal Frémont. "Ce n'est pas pour autant que l'on adhèrera au projet".