La guerre est véritablement déclarée entre les magistrats et Éric Dupond-Moretti. Jeudi, les premiers se rassembleront dans plusieurs endroits de France contre le premier, accusé d'"attaquer l'institution judiciaire" au travers de ses déclarations récentes. Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature, reproche au ministre de la Justice d'avoir une attitude populiste face à eux, explique-t-elle sur Europe 1.
"Vase clos" contre école ouverte
"Nous n'avons absolument pas critiqué la nomination d'une avocate (Nathalie Roret, ndlr) à la tête de l'École nationale de la magistrature (ENM)", précise Katia Dubreuil au micro de Sébastien Krebs. "Le problème est celui du discours du ministre écrit à l'occasion de l'annonce de cette nomination. Il a une fois de plus utilisé des termes extrêmement négatifs pour parler des magistrats, de la magistrature, de l'école, de l'enseignement qui existent."
Dans son discours, le garde des Sceaux a insisté sur sa volonté de voir l'ENM "rompre avec des traditions surannées" et "avec la tentation du vase clos et de l’entre soi". "Dans cette école, il y a des avocats qui viennent avec les magistrats pour des formations", rétorque la dirigeante du Syndicat de la magistrature. "Il y a tout un tas d'autres professionnels qui interviennent pour ouvrir des magistrats sur de nombreuses problématiques, des psychiatres, des experts de toutes sortes, comme des gens de la société civile."
"Surfer sur une mauvaise image"
"Le ministre a profité de ce moment de cette annonce pour, une fois de plus, porter une appréciation extrêmement négative sur cette école", poursuit Katia Dubreuil à propos du garde des Sceaux, qui avait plaidé dans un livre paru en 2018 pour la suppression de l'ENM. "Là, on a plutôt l'impression qu'il est dans un discours à la Trump, dans lequel il faut surfer sur la mauvaise image de la magistrature aux yeux du grand public et le fait que la justice est mal comprise."
Favorable à "des réformes pour que la justice fonctionne mieux", la dirigeante syndicaliste dénonce la logique du gouvernement face à l'institution judiciaire, qu'elle juge démagogue : "On ne peut pas sans arrêt créer des lois qui restreignent les droits des personnes et demandent aux juges de juger plus vite et sans entendre les justiciables, constater ensuite que les gens ne sont pas satisfaits de leur justice parce qu'elle fonctionne mal et enfin dire les magistrats devraient sortir de l'entre soi et avoir la culture du contradictoire."