La France apprenait son arrestation il y a deux semaines. La chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah est détenue en Iran depuis le début du mois de juin. Aujourd'hui, ses proches essayent encore et toujours de peser depuis la France pour obtenir sa libération.
Une information gardée confidentielle au départ
L'Iran ne reconnaissant pas la double nationalité, Téhéran n'a pas prévenu l'ambassadeur français sur place au moment de l'arrestation de cette docteure en anthropologie de 60 ans. Ce sont ses amis qui ont alerté le Quai d'Orsay en ne la voyant pas rentrer d'un voyage. Mais "la diplomatie française nous a demandé de garder cette information confidentielle", se souvient Jean-François Bayart, professeur à l'Institut de hautes études internationales et du développement à Genève, collègue et ami de Fariba Adelkhah.
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La raison est double. D'abord, "il est plus aisé pour les autorités iraniennes de faire volte-face si rien n'est mis sur la place publique". Ensuite, "cela évite tout le pathos nationaliste très vif en Iran". Mais, le 16 juillet, l'annonce de la détention de la scientifique a tout de même été rendue publique pour tenter de faire évoluer les choses. En vain jusqu'ici. "Si, d'ici à quelques semaines la situation n'est pas dénouée, il nous faudra prendre en main l'accompagnement matériel de Fariba Adelkhah pendant sa détention", souligne Jean-François Bayart.
Les motivations iraniennes toujours floues
Lui et les autres collègues et amis de l'anthropologue espèrent "vivement" qu'ils n'auront pas à "organiser cette opération de solidarité financière". "Nous espérons que les autorités iraniennes se rendront à l'évidence : Fariba Adelkhah n'est rien d'autre qu'une chercheuse et ne met en aucun cas en cause la sécurité nationale de l'Iran", glisse Jean-François Bayart.
Ce que reprochent les autorités à la sexagénaire est encore flou aujourd'hui. "Ce n'est pas une opposante politique, ça c'est sûr et certain", assurait il y a quelques semaines à l'AFP Karim Lahidji, président de la Ligue pour la Défense des Droits de l'Homme en Iran (LDDHI). "C'est même la raison pour laquelle elle était autorisée à se rendre en Iran, à y séjourner de longs mois, mener des recherches, des enquêtes, ce qui n'est pas possible pour tout le monde." Jean-François Bayart ne dit pas autre chose : "Elle a toujours refusé de condamner le régime. Ça lui a valu d'être mal comprise de la diaspora et de prendre des coups des deux côtés."
Depuis plus d'un an, elle recommençait à étudier l'Iran
Serait-ce ses travaux qui ont entraîné son arrestation ? Pas impossible, selon l'ami de la chercheuse. "Depuis un peu plus d'un an, elle recommençait à travailler sur l'Iran, notamment sur l'interface des clergés chiites en Iran, Afghanistan et Irak, en se rendant dans les trois pays." Pour ses pairs, Fariba Adelkhah portait un regard sensible et instruit sur la société iranienne, sur la famille, la jeunesse et les femmes. "Or, la crainte du pouvoir est justement cette (nouvelle) société, prise en otage aujourd'hui dans le conflit géopolitique" qui oppose l'Iran aux États-Unis à propos de l'accord sur le nucléaire, affirmait Ahmad Salamatian, ancien secrétaire d'État iranien aux Affaires étrangères en exil en France, sur France Culture.
Emmanuel Macron a lui-même demandé des éclaircissements au pouvoir iranien. Désormais, afin de continuer à peser depuis la France, Jean-François Bayart et ses amis prévoient d'organiser un rassemblement devant l'ambassade d'Iran.