Maryvonne Thamin, 83 ans, pourra-t-elle un jour réintégrer son logement dans le centre ville de Rennes ? La vielle dame, pourtant propriétaire des lieux, est à la rue. A la mort de son conjoint, cette dernière avait décidé de revenir vivre dans sa maison mais des squatteurs en avaient pris possession. C'était il y a 18 mois… depuis, rien n'a changé. Pire : les squatteurs, s'estimant dans leur droit, ont engagé une avocate pour se "défendre".
Des squatters bien renseignés. Combien sont-ils à présent à squatter la maison de Maryvonne à Rennes ? Peut-être deux ou trois. Dans le voisinage personne ne le sait exactement car la maison est totalement barricadée depuis 18 mois. Les squatteurs, en tout cas, se succèdent depuis cette date dans cette maison-salon de coiffure délabrée. Et ils sont extrêmement bien informés sur leurs droits comme a pu le constater le patron du bar en face de la maison. Pour attester qu'ils occupaient bien les lieux depuis plus de 48 heures, c'est lui, en effet, qu'ils sont allés voir pour lui demander de signer un document en ce sens. Mais le patron du bar a refusé net : "j'ai refusé de signer parce que je trouvais cela minable et lamentable. Je ne m'inscris pas dans cette bêtise là", a-t-il expliqué au micro d'Europe1.
Il faut savoir qu'une disposition de la loi Dalo de 2007 prévoit qu'un propriétaire a un délai de 48 heures après une intrusion pour faire expulser des squatteurs par la police. Passé ce délai il n'a d'autre choix que de saisir la justice pour récupérer son bien.
Pas d'identité connue, pas de poursuite possible. Mais pour la vieille dame, la bataille juridique s'annonce compliquée : son avocat, Philippe Billaud, ne peut pas, en effet, assigner en référé les squatteurs puisqu'ils refusent de décliner leur identité. L'avocat attend donc que le tribunal fixe une date pour plaider l'expulsion des squatteurs. Il a aussi porté plainte pour violation de domicile et dégradations. D'après lui, sa cliente serait à bout et parlerait même de se suicider.
Des squatteurs dans la légalité. Les squatteurs actuels de la maison, des jeunes âgés d'une petite vingtaine d'années ne souhaitent pas s'exprimer directement. C'est donc leur avocate Stéphanie Peltier qui a parlé en leur nom au micro d'Europe1 : "moralement, cela les chagrine, ils se sentent un petit peu diabolisés alors que – même si cela peu paraitre paradoxal - ils ne font que respecter les dispositions légales", a-t-elle expliqué.
L'avocate de squatteurs a aussi fait valoir que la vieille dame avait été avisée dès 2013 de la présence d'intrus et n'avait à l'époque pas déclenché d'action judiciaire. Ces jeunes se disent sans aucune ressource et assurent aussi qu'ils s'en iront si la justice leur donne tort, mais pas avant.
Récupération par l'extrême-droite et l'extrême-gauche. Une quarantaine de manifestants d'extrême-droite ont manifesté dimanche devant la petite maison proche de la gare afin d'exiger le départ des squatteurs. La police a dû s'interposer lorsqu'une quinzaine de contre-manifestants d'extrême-gauche sont arrivés pour défendre les occupants. Les deux groupes se sont dispersés sans incident. Sur Facebook, un collectif "Soutien à Maryvonne" a appelé à une nouvelle manifestation, le 8 mai. Sur cette page, on peut lire des appels tels que "grenades lacrymogènes là-dedans pour faire dégager les rats".
Les politiques s'en mêlent. En réaction à la polémique, le député UMP Marc-Philippe Daubresse a annoncé le dépôt d'une proposition de loi pour modifier la loi Dalo, tandis que la section rennaise du Front national en a demandé l'abrogation. Dans un communiqué, le maire PS de Rennes, Nathalie Appéré, a rappelé avoir contacté Maryvonne Thamin à plusieurs reprises depuis l'automne 2013 pour l'avertir de la situation, lui proposer un accompagnement juridique et un relogement. "Ces propositions sont malheureusement demeurées sans suite", a assuré l'élue. "Madame Thamin est victime d'une situation intolérable, privée de sa maison par des squatteurs qui utilisent toutes les ressources du droit pour l'empêcher de regagner son logement", a reconnu Nathalie Appéré, tout en ajoutant que cette affaire "a également déchaîné un flot de propos mensongers et diffamatoires d'une rare violence et des manœuvres politiques écœurantes".