Ce sont de petits boîtiers jaunes au cœur d'une polémique qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Les compteurs électriques Linky, en cours de déploiement en France depuis le vote de la loi sur la transition énergétique, suscitent tensions, colère et inquiétudes dans de nombreuses communes. Plus de 85 villes de bords politiques différents ont ainsi rejeté leur installation pour des raisons à la fois sanitaires et de protection des données.
"Facteurs de risques pour la santé". La dernière en date, Saint-Macaire en Gironde, a signifié son refus mercredi, lors d'un vote du conseil municipal. A l'unanimité, celui-ci a décidé de ne pas remplacer les compteurs électriques traditionnels de la ville par des boîtiers Linky, pointant des "facteurs de risques pour la santé des habitants". "Il n'est économiquement et écologiquement pas justifié de se débarrasser des compteurs actuels qui fonctionnent très bien et ont une durée de vie importante", souligne également le conseil municipal.
Consommation mesurée en temps réel. Sur le papier pourtant, le compteur Linky a tout pour plaire. Parce qu'il mesure en temps réel la consommation d'électricité et la transmet directement au fournisseur, le boîtier évite le passage d'un technicien pour relever les compteurs et diminue également les risques d'erreur ou de fraude. Les clients peuvent suivre sur Internet les évolutions de leur consommation et ainsi l'adapter au mieux. ERDF souligne en outre qu'il sera plus aisé de changer de contrat ou de déménager, tous les changements nécessaires pouvant s'effectuer à distance. Le réseau a prévu d'installer 35 millions de compteurs Linky sur le territoire d'ici à 2021.
Des ondes électromagnétiques en question. Mais ces arguments laissent les mairies sceptiques. Car pour transmettre ses données, un compteur Linky utilise la technologie du courant porteur en ligne, ce qui génère des ondes électromagnétiques. Ondes classées comme "cancérigène possible" par l'Organisation mondiale de la santé. "Nous ne voulons pas servir de cobayes pour voir si, dans 5 ou 8 ou 15 ans, nous avons effectivement des cancers et des leucémies !" s'insurge Stéphane Lhomme, conseiller municipal de Saint-Macaire et militant écologiste, sur le site internet qui recense les communes récalcitrantes.
ERDF, qui a déjà installé quelque 630.000 compteurs Linky, dénonce de son côté un "faux procès". "Le compteur Linky émet un champ électromagnétique plus faible que celui des appareils électroménagers courants", comme les fers à repasser, les grille-pains ou même les ampoules basse consommation, explique à Europe1.fr Bernard Lassus, directeur du programme Linky. "Le Conseil d'Etat a répondu clairement que ces équipements sont aux normes françaises et européennes."
" Le compteur Linky émet un champ électromagnétique plus faible que celui des appareils électroménagers courants "
Protection des données. Les mairies pointent un autre problème : celui de la protection des données personnelles des clients. Car enregistrer en temps réel une consommation d'électricité peut permettre de récolter des informations sur la présence ou non au domicile, ainsi que sur les activités des gens chez eux. Consultée sur le sujet, la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) a validé le principe du compteur Linky à condition que les données récoltées "ne quittent pas le domicile de l'abonné" et ne soient "pas transmises à des tiers (par exemple les fournisseurs d'énergie ou les sociétés commerciales proposant des travaux d'isolation ou de pose de fenêtres) sans le consentement des abonnés".
Difficile de s'y opposer. Peut-on s'opposer à l'installation d'un compteur Linky ? A titre individuel, c'est difficile. "Le compteur n'appartient pas aux consommateurs", rappelle 60 millions de consommateurs. "Vous ne pouvez, en principe, pas vous opposer à son remplacement." En revanche, les villes qui refusent les boîtiers jaunes dernière génération estiment être dans leur bon droit. Le conseil municipal de Saint-Macaire a ainsi rappelé, dans sa délibération, que "les compteurs d'électricité appartiennent aux collectivités et non à ERDF". Néanmoins, les collectivités ont concédé le service public de distribution d'électricité à ERDF ou d'autres structures de distribution d'énergie. "Le vote du conseil municipal peut avoir une portée symbolique, mais il n'a pas de valeur juridique", avertit l'UFC-Que Choisir. L'Association des maires de France ne dit pas autre chose. Le mois dernier, elle a appelé le gouvernement à signifier aux édiles qu'ils n'avaient pas le pouvoir de s'opposer au déploiement du compteur Linky. Ce que l'exécutif a fait dès le 1er avril, via un courrier adressé aux préfectures par la Direction générale des collectivités locales.