L'Observatoire de la laïcité a publié mardi son rapport annuel 2016-2017, appelant médias et élus à se détacher du "culte de l'immédiateté" et du "clash" dans un contexte de "sensibilité toujours très forte" autour du fait religieux en période pré-électorale.
Ne pas céder au "clash". Dans une note de synthèse, l'Observatoire souligne "le contexte particulier de la campagne présidentielle" et, surtout, "le contexte des attentats qui persiste", fait "à la fois d'inquiétude, d'émotion mais aussi de confusions" entre ce qui relève de la laïcité "et ce qui relève d'autres champs, dont le radicalisme violent et le terrorisme". Aussi le président de l'Observatoire, Jean-Louis Bianco, émet-il le souhait "que, dans le débat sur la laïcité, certains médias, certains élus et certains intellectuels qui aujourd'hui cèdent au 'culte de l'immédiateté' ou à celui du 'clash', adoptent demain une position plus responsable, prenant le recul nécessaire à l'analyse".
Un appel "à la prudence". Notamment "nous nous permettons d'appeler l'ensemble des médias, évidemment seuls juges de leur politique éditoriale, à la prudence", expliquent Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène, rapporteur général de l'Observatoire, car "le caractère éventuellement 'passionné' du traitement médiatique de la laïcité prend le risque, de fait, d'empêcher toute approche rationnelle". Soulignant la "sensibilité toujours très forte" sur les situations touchant "à la laïcité et aux faits religieux", Jean-Louis Bianco relève combien "les tensions et les crispations sur ces sujets restent importantes" - même si les contestations du principe de laïcité semblent mieux contenues.
Une "instrumentalisation" dangereuse. "Il est courant, dans le débat public, d'entendre parler de laïcité à tort et à travers", ajoute le président de l'Observatoire mis en place en 2013, qui s'inquiète d'une "instrumentalisation dangereuse et trop courante" de ce concept, "principe fondamental de la République" et qui n'est "ni de droite, ni de gauche". En effet, la laïcité "ne peut pas répondre à tous les maux de la société", qu'il s'agisse "de la ghettoïsation de certains quartiers" ou "de la perte de repères et de confiance dans l'avenir", martèle le rapport. Pour lutter contre le repli communautaire qui se manifeste dans différents territoires, "il ne suffit pas de convoquer le principe de laïcité et de dénoncer les discriminations ou la ghettoïsation", ajoute la note de synthèse. Il faut "combattre celles-ci par des politiques publiques beaucoup plus vigoureuses que cela n'a été le cas jusqu'ici" et "faire respecter l'État de droit, partout sur le territoire".
Il convient aussi "d'aider à l'application ferme et sereine" des principes qui fondent la laïcité, de "rappeler le cadre légal" permettant des sanctions et enfin "de faire oeuvre de pédagogie", ajoute le rapport, qui déplore sur le terrain une "profonde méconnaissance du droit" pouvant conduire "à des interdictions ou à des autorisations injustifiées".
Le salafisme très présent. Comme pour ses trois premiers rapports, l'Observatoire a auditionné les responsables des principales religions en France. "Le constat global de ces auditions témoigne de la crainte renouvelée d'une extension du domaine de la neutralité", avec "un risque pour la liberté d'expression des convictions individuelles", ainsi que "d'un recours contre productif à d'éventuelles nouvelles lois 'd'émotion'". Après audition de différents universitaires, notamment sur les rapports entre islam et laïcité, l'Observatoire constate "une fréquentation en hausse des formations à l'islam, en particulier par des femmes" et souligne l'"impact fort" que continue d'avoir le courant salafiste "parce que structurant et très présent sur Internet". Soulignant la diversité "très importante" des formes d'expression de l'islam, le rapport fait enfin état d'une "crainte de voir la laïcité se redéfinir par de nouvelles lois pensées uniquement pour l'islam".