La guerre des nerfs continue entre le gouvernement et les opposants à la loi Travail, à huit jours de l'Euro. Lancée dans ce qui ressemble à un ultime tir groupé, les syndicats mobilisés sont passés aux grèves reconductibles : la SNCF sera impactée vendredi. C'est dans ce contexte déjà compliqué que les syndicats de pilotes d'Air France ont déposé un préavis de grève en plein Euro. Retour sur une journée mouvementée.
Les principales infos à retenir jeudi :
- Une nouvelle journée de mobilisation se profile le 9 juin.
- Le mouvement de grève se poursuit dans les transports et le secteur de l'énergie, mais a été levé chez les contrôleurs aériens.
- Air France est menacée d'une grève en plein Euro, du 11 au 14 juin.
- Le gouvernement maintient son message de fermeté, après avoir donné des signes d'ouverture ce week-end.
- La promesse d'une nouvelle journée de mobilisation
Si une journée de manifestation nationale est déjà prévue par certains syndicats pour le 14 juin, ce rendez-vous lointain a été jugé risqué par certains opposants à la loi Travail : il ne sera pas aisé de maintenir la pression pendant encore deux semaines. Selon les informations d'Europe 1, l'intersyndicale prépare donc déjà une nouvelle journée de mobilisation pour le 9 juin.
- Le point sur les transports
Trafic perturbé à la SNCF. Le trafic des trains est resté perturbé jeudi pour la deuxième journée consécutive. Les conditions de trafic ont été similaires à celles de mercredi avec seulement 40% des Transiliens, le tiers des Intercités, la moitié des TER en circulation et six TGV sur dix, selon la SNCF. L'entreprise a recensé jeudi 15,2% de grévistes, contre 17% la veille. A Paris, des manifestants ont envahi le poste d'aiguillage de la Gare de Lyon pendant une heure, empêchant alors tout départ de train.
L'Unsa arrête, Sur-Rail continue. Si les trois premiers syndicats à la SNCF (CGT, Unsa, SUD) ont déposé des préavis de grève illimitée, l'Unsa a annoncé jeudi qu'il suspendait son appel le temps de mener une nouvelle journée de négociations, prévue dans les prochains jours. Sud-Rail a annoncé en fin de journée la poursuite du mouvement vendredi.
Le calme du côté de la RATP. Du côté de la RATP, où a débuté jeudi une grève illimitée à l'appel de la CGT, le trafic a été normal dans le métro, les bus, les tramways. Du côté du RER, seule la ligne B fut concernée, avec un train sur trois sur la branche Gare du Nord - Robinson/Saint-Rémy/Massy, et trois trains sur quatre sur la branche Hre du Nord - Mitry/Charles de Gaulle. Premier syndicat de la RATP, la CGT appelle les agents de la régie à une grève illimitée pour obtenir la réouverture des négociations salariales annuelles et le retrait du projet de loi travail. En outre, le trafic sur le RER C a été totalement interrompu à partir de 16 heures en raison des inondations.
Les contrôleurs aériens renoncent. Le prochains jours s'annonçaient compliqués dans les aéroports mais les perturbations seront moins importantes que prévu : quatre des syndicats qui appelaient à la grève (SNCTA, Unsa, FO et CFDT) ont levé leur préavis. Seule la CGT maintient sa mobilisation contre la baisse des effectifs et le maintien du système actuel de primes, mais aussi contre "l'inacceptable" loi travail. Résultat, le trafic aérien a été légèrement perturbé jeudi, notamment à Orly et Lille où Air France a annulé 10% des vols. De son côté, EasyJet indique avoir "dû annuler 6 vols" en France et s'attend à "d'autres perturbations et retards sur (son) programme de vols".
Mais Air France menacée de grève. Les trois syndicats de pilotes de lignes ont mis leur menace à exécution : ils appellent à la grève du 11 au 14 juin, c'est-à-dire au lendemain de la cérémonie d'ouverture de l'Euro de football. Ce mouvement n'a rien à voir avec la loi Travail, les pilotes de ligne contestent toujours les mesures de productivité prises par la direction, cette dernière estimant qu'ils n'ont pas respecté leurs engagements pris dans le cadre du plan Transform 2015.
- Les dommages collatéraux
Coupure d'électricité géante vers Saint-Nazaire. Une coupure d'électricité géante, qui a débuté peu après 11 heures jeudi, a privé de courant pendant une heure environ 120.000 foyers de la région de Saint-Nazaire, Donges mais aussi Guérande, a indiqué la préfecture de Loire-Atlantique. L'invasion d'un poste très haute tension de la région par des militants syndicaux est à l'origine de cette coupure, d'après Reseau de transport d'électricité (RTE).
Le conflit se poursuit dans le secteur pétrolier et le nucléaire. Du fait des grèves, six raffineries sur huit sont toujours "à l'arrêt ou au ralenti", selon la CGT pétrole. Au terminal pétrolier havrais, qui approvisionne notamment les aéroports parisiens, la grève a été reconduite pour cinq jours. Du côté des centrales nucléaires, la CGT accentue son action avec un appel à la grève reconductible, tandis que la CFE-CGC Energies et l'Unsa Energies se sont joints à la mobilisation jeudi. Un arrêt de travail allant de une heure à une journée entière jeudi a été votée dans 16 des 19 centrales nucléaires françaises.
Et s'étend aux centres de traitement des déchets. Outre le centre d'Ivry-sur-Seine, bloqué depuis lundi, les sites d'Issy-les-Moulineaux et de Saint-Ouen ont été bloqués jeudi. Parallèlement, le ramassage des ordures est toujours bloqué à Saint-Étienne, où les sites de collecte de Saint-Chamond et Unieux, dépendant de l'agglomération stéphanoise, se sont mis en grève mercredi.
L'entreprise de Pierre Gattaz ciblée. Le président du Medef a été visé après avoir comparé les grévistes à des "terroristes". Des manifestants ont bloqué jeudi matin l'entrée de l'usine Radiall, à Voreppe, propriété de Pierre Gattaz. Ce blocage a été organisé "pour marquer le coup face aux propos injurieux du président du Medef à l'égard de la mobilisation sociale", a déclaréBenjamin Moisset, membre de Solidaires.
Plusieurs manifestations. Malgré une météo capricieuse, plusieurs manifestations ont eu lieu à travers la France : à Lyon (entre 1.300 et 5.000 personnes selon les sources), à Nantes (entre 2.500 et 6.000 personnes), à Marseille (entre 3.600 et... 45.000 personnes).
Au fait, où en est le projet de loi Travail ? Après avoir fait l'objet de l'article 49-3 à l'Assemblée nationale pour passer outre les quelques 5.000 amendements déposés, le texte est arrivé mercredi au Sénat, où 400 amendements ont été déposés. Le gouvernement entend "tenir sur le fond" : "reculer serait une faute politique", a martelé Manuel Valls. "Ces derniers jours, la CGT a dit qu'ils étaient prêts à discuter, c'est bien et ma porte a toujours été et restera toujours ouverte. Mais créer aussi l'esprit de la discussion c'est mieux", a de son côté déclaré Myriam El Khomri.