Ancien ministre de l’Éducation nationale, Luc Ferry est avant tout philosophe. Il allie cette matière avec la pédagogie en faisant paraître chez Glénat, en BD, une collection de 30 albums sur la sagesse de la mythologie grecque. Invité dans l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie, il est revenu sur ses années au ministère.
Ministre ? "Une vie de chien". Il occupe le fauteuil de ministre de mai 2002 mars 2004. Un poste qu'il assimile à une de "vie de chien" et à une "menace pour la vie privée". "Je savais que c’était dangereux, difficile, pénible mais enthousiasmant", résume-t-il, plus de 10 ans plus tard. Avec son passé et son CV, c'était aussi une fonction que Luc Ferry ne se voyait pas refuser : "J’ai été chercheur au CNRS, le plus jeune prof de philo de France, je suis passé par le lycée, les écoles normales d’instituteurs. Je connais tous les aspects du système et j’ai été président du conseil national des programmes pendant sept ans. Quand Villepin m’a appelé au nom de Chirac pour me proposer le poste de ministre de l’Éducation, de l'université, de la recherche et de la jeunesse, moi qui prétendais avoir des idées sur le sujet, cela aurait été paradoxal de refuser."
Chirac, "champion du monde de la marche arrière". L’exercice du pouvoir ne lui en a pas donné le goût, dit-il. "D'ailleurs, il n’y a pas d’exercice du pouvoir. On fait l’expérience de l’impuissance publique. Dans le contexte de mondialisation, les hommes politiques nationaux n’ont quasiment aucun pouvoir sur le monde. Les Google, Amazon, Facebook, Microsoft sont bien plus puissants que les États et c’est un problème politique." Pourtant, ce sont les médias qui lui ont rendu la vie difficile. "J’ai souffert de tourbillons médiatiques absurdes et d’un président vieillissant que tout le monde encense aujourd’hui mais qui a l’époque n’était pas très apprécié des Français". "Le président Chirac était le champion du monde de la marche arrière. Il avait peur de tout", tacle-t-il.
Contre l'école jusqu'à 18 ans. L'ancien ministre n'a pas retenu que le négatif, et se dit très fier de deux mesures pourtant supprimées après son départ : le fait de dédoubler des classes de CP pour mieux lutter contre l’illettrisme et la mise en place d'un système d’alternance collège-entreprises et collège-lycée professionnel. Son expérience lui donne aussi l'occasion de juger l'action du gouvernement actuel. Il s'insurge notamment contre le projet de rendre l’école obligatoire jusqu’à 18 ans.
"C'est la pire connerie qu’on peut imaginer au monde ! C’est la mort de l’apprentissage et de l’enseignement professionnel. Et ça n’a aucun sens parce que sur les 160.000 qui quittent le système scolaire sans rien, la plupart d’entre eux n’ont pas le niveau d’une bonne classe de 6e. Donc vous allez les mettre dans quelle classe ? Eux ne veulent pas continuer, les profs n’en veulent pas. Ce qu’il faut faire, c’est donner à chacun un chèque de formation permanente, un chèque de deux ans qu’il sera possible de toucher jusqu’à 30 ans, et à utiliser quand il ressentira le besoin de faire des études. Ça, c’est intelligent."
"Un vrai désastre". Luc Ferry critique aussi la fin annoncée du latin et du grec. "Les mondes anciens ne sont pas dépassés par les mondes modernes, comme dans l’Art. Le ministère actuel supprime un million d’heures de latin et de grec. C’est idiot parce que cela ne sert à personne. De même, supprimer les classes bi langues ou internationales, c’est idiot. Ça marchait très bien. Ce que l’on fait aujourd'hui dans le ministère de l’Education nationale est un vrai désastre", conclut-il, en soulignant qu'il ne s'agit pas d'un problème droite-gauche.