Le procureur de la République de Paris a mis en garde lundi contre les "conséquences désastreuses" d'un accès restreint aux données de connexion dans le cadre d'enquêtes antiterroriste, appelant à trouver un équilibre entre "sûreté" et "protection de la vie privée".
"Croiser les connexions". François Molins a souligné "l'importance de la conservation le plus longtemps possible de ces données", car "leur exploitation permet de lire le passé en retraçant par exemple les activités auxquelles un individu s'est livré sur le réseau avant d'être soupçonné d'activités criminelles", lors de l'audience solennelle de rentrée du Tribunal de grande instance de Paris. "Sans conservation préalable des données, il n'est ainsi pas possible, après un attentat terroriste, de croiser les connexions entre les personnes impliquées et donc d'établir leur participation aux faits ou d'identifier leurs complices", a-t-il expliqué.
L'exemple du Bataclan. Les données de connexion sont les métadonnées, relatives non au contenu d'échanges mais au trafic, à la localisation et à l'identité du détenteur et à la durée des connexion. "Si nous n'avions pu immédiatement accéder aux données de connexion et de localisation du téléphone portable trouvé dans une poubelle devant le Bataclan, le cours de l'enquête aurait été considérablement ralenti et l'identification des cellules terroristes en France et en Belgique différée, voire obérée", a-t-il cité en exemple.
Équilibre. François Molins estime que l'obtention de ces données est "mise à mal par la Cour de justice de l'Union européenne qui, dans un arrêt du 21 décembre 2016, a restreint la possibilité pour les Etats membres d'y recourir". Il a appelé à trouver, dans les mécanismes juridictionnels européens, un "équilibre subtil" entre "la capacité des autorités publiques à protéger les droits à la vie et à la sûreté" et "la protection de la vie privée et donc des données à caractère personnel". En octobre, François Molins avait déjà réclamé, dans une déclaration avec les procureurs antiterroristes de Belgique, d'Espagne et du Maroc, l'accès au contenu des téléphones ou des messageries chiffrées "lorsque des vies sont en jeu, comme en matière de terrorisme". Les évolutions techniques et le cryptage des communications "fragilisent considérablement nos enquêtes, parfois au point de les rendre impossibles", s'alarmaient-ils dans une déclaration commune. "Le problème de l'usage des données de connexion, c'est qu'on est passé de la chasse au harpon à la chasse au filet", a réagi une figure du barreau de Paris, plaidant pour un accès strictement encadré.
La dangerosité des femmes "ne doit pas être sous-estimée". Selon le procureur, le parquet de Paris suit actuellement 489 procédures en lien avec le djihadisme irako-syrien, "concernant 1.533 individus, dont 432 sont d'ores et déjà mis en examen et 277 placés en détention provisoire", les autres faisant l'objet de mandats. A ce jour, "676 Français dont 295 femmes se trouveraient sur zone", a indiqué le magistrat. Ceux qui veulent revenir en France "peuvent être des terroristes déçus ou repentis restés fidèles à l'idéologie djihadiste mais aussi des terroristes en mission", a-t-il prévenu. S'agissant des femmes, "leur radicalité, leur dangerosité ne doit pas être sous-estimée", a-t-il ajouté. D'autant que, "depuis la fin de l'été 2017, la doctrine de Daech (le groupe Etat islamique, ndlr), qui les excluait du djihad armé, a changé".