"Acte 2 : toute la France à Paris !!!!" C'est ce que promet l'un des appels à manifester relayés toute la semaine par les différentes pages des "gilets jaunes", sur les réseaux sociaux. Après plusieurs jours de blocages et d'actions à travers la France, les participants au mouvement ont rendez-vous ce week-end pour tenter de marquer les esprits, et relancer une mobilisation qui montre des signes d'essoufflement. Mais les contours de cet "acte 2", toujours organisé hors de tout cadre politique et syndical, restent flous.
Comment s'organisera le défilé parisien ?
Les modalités de l’événement ne sont pas précisément définies. "Il faut mettre un coup de grâce et tous monter sur Paris par tous les moyens possibles (covoiturage, train, bus, etc...). Paris parce que, c'est ici que se trouve le gouvernement!!!!", écrit sur Facebook Eric Drouet, le chauffeur routier à l'origine de la page sur l'"Acte 2" de la mobilisation. Frank Buhler, l'un des visages du mouvement dans le sud de la France, appelle lui à faire de la capitale une "ville morte" dans une vidéo, vue plus de 260.000 fois sur Facebook. Ancien journaliste, par ailleurs délégué de Debout la France dans la première circonscription du Tarn-et-Garonne, l'homme incite les "gilets jaunes" à "parcourir la totalité des rues de Paris" en se répartissant dans les différents quartiers de la ville.
Alors, quel itinéraire ? Après avoir écarté le scénario d'un rassemblement place de la Concorde, lieu évoqué sur l'un des "événements" Facebook, le ministère de l'Intérieur a indiqué que les "gilets jaunes" pourraient se réunir sur l'esplanade du Champ-de-Mars, près de la Tour Eiffel. "Ce lieu offrant les conditions de sécurité nécessaires, il pourra accueillir les manifestants", expliquent le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner et son secrétaire d'Etat Laurent Nuñez dans un communiqué diffusé jeudi, ajoutant que plusieurs demandes distinctes ont été déposées en préfecture.
Mais les autorités ne semblent pas miser sur le respect de ces consignes : selon une note du Renseignement, datée de jeudi et révélée par Le Parisien, l'Intérieur table en fait sur un minimum de trois rassemblements : un dans la matinée à la Concorde, malgré l'interdiction du gouvernement, et deux autres dans l'après-midi, au Champ-de-Mars et place de la Bastille. A cela devraient s'ajouter, toujours selon cette note, des blocages place de l'Étoile et porte Maillot que les "gilets jaunes" envisagent d'investir dès 6 heures du matin, avec des renforts de motards en colère pour tenter de paralyser le périphérique.
D'autres rassemblements auront-ils lieu en région ?
Probablement. Car au-delà de l'itinéraire, l'idée même du rendez-vous parisien divise les troupes des "gilets jaunes", dont certains sont découragés par l'argument financier ou la perspective de violences. "C'est quand même des gros frais (...) On est en train de voir pour samedi, pour qu'il y ait encore du monde qui reste sur Nantes et qu'il y ait du monde qui aille sur Paris", a expliqué à l'AFP Yoann Molot, 24 ans, un des porte-parole à Nantes. A "la dernière grosse manifestation parisienne, le 1er mai, les 'black blocs' étaient de sortie et il y a eu beaucoup de casse. Je ne veux pas participer à quelque chose comme ça", renchérit Fabrice Schlegel, meneur à Dole, dans le Jura, et qui mise sur une action "à l'échelle du département" .
La SNCF a d'ailleurs tenu à démentir une "rumeur persistante" selon laquelle le port d'un "gilet jaune" samedi vaudra titre de transport dans les trains. "Ce samedi, comme toute l'année, les trains ne sont accessibles qu'aux voyageurs munis d'un titre de transport valide", a précisé un porte-parole de la compagnie.
Combien seront les "gilets jaunes" ?
Là encore, difficile à dire. Sur Facebook, 35.000 personnes s'étaient inscrites comme "participantes" à "l'acte 2" de la manifestation, jeudi soir, tandis que plus de 200.000 se disaient "intéressées". Selon la note du Renseignement, les autorités misent pour l'instant sur environ 30.000 personnes à Paris, parmi lesquels "80 à 120 militants de l'ultra-droite", "100 à 200 militants de l'ultra-gauche" et "100 à 200 chauffeurs VTC".
Mais beaucoup de "gilets jaunes" ne viendront pas à Paris, notamment pour des raisons financières. La majorité compte encore se mobiliser en régions, en bloquant notamment les accès aux centres commerciaux.
L'enjeu est lourd pour l'avenir du mouvement, qui semble marquer le pas au sixième jour de la mobilisation. Jeudi, le ministère de l'Intérieur recensait 5.107 manifestants et 268 manifestations en France, contre 15.000 mercredi. Quelques irréductibles continuaient à organiser des blocages épars en métropole, avec des barrages filtrants aux abords des dépôts pétroliers ou sur certains axes routiers dans le Pas-de-Calais, le Gard, l'Hérault, le Vaucluse, le Haut-Rhin ou en Nouvelle-Aquitaine. Ailleurs dans l'Hexagone, la quasi-totalité des blocages avaient été levés après intervention des forces de l'ordre.
Quel dispositif de sécurité ?
Le ministère de l'Intérieur a prévenu que "la réponse judiciaire sera intraitable en cas de troubles" et qu'un "dispositif de sécurité" sera mis en place pour protéger les "lieux sensibles" à Paris, et notamment autour du Champ-de-Mars. Un "périmètre sécurisé" sera également bouclé par les forces de l'ordre, incluant l'Élysée, les abords de la Concorde, de l'Assemblée nationale et de Matignon. CRS et gendarmes devraient être déployés en nombre. Plusieurs députés LREM ont eux annoncé avoir renoncé à se rendre à la rencontre des manifestants après des menaces, parfois nominatives. Le président du groupe des "marcheurs" à l'Assemblée nationale, Gilles Le Gendre, a alerté les autorités à ce sujet.
Outre la capitale, l'exécutif aura samedi un œil sur l'île de La Réunion, frappée par une vague de violences urbaines depuis une semaine, malgré l'instauration d'un couvre-feu nocturne. "Nous serons intraitables car on ne peut pas accepter les scènes que nous avons vues", avait réagi mercredi soir le président de la République Emmanuel Macron, en annonçant l'envoi en renfort de plusieurs dizaines de gendarmes sur l'île.