"Notre société va bien mal", a déclaré le maire de Metz, Dominique Gros, réagissant à l’émergence d’un "marave challenge" dans sa ville. Ce "jeu", issu des Etats-Unis (où il est baptisé "knock-out game"), a traversé l’Atlantique via les réseaux sociaux. Il consiste, tout simplement, à frapper quelqu'un contre de l'argent. Celui qui accepte le défi doit aller tabasser la première personne qu'il croise. S'il le fait, il empoche 10 euros s’il s’est attaqué à un homme, 20 euros s’il s’agissait d’une femme. Et le tabassage peut se faire seul, ou à plusieurs.
Une personne en garde à vue, quatre plaintes
Pour l’heure, seuls quelques lycées de Moselle seraient concernés par le phénomène, assure le ministère de l’Education, qui incite tous les établissements de France "à la plus grande vigilance". À Metz, quatre lycéens ont porté plainte - dont deux filles - et un mineur est en garde à vue. Les 25 établissements scolaires de l'agglomération messine font désormais l'objet de surveillance policière. Les victimes, âgées de 16 ans à 18 ans, ont été frappées à coups de pied et de poing. "Une enquête minutieuse a été diligentée (et) a amené à l'interpellation d'un individu qui est formellement mis en cause, et à l'identification d'un petit groupe récurrent, qu'on retrouve sur les quatre" faits, a précisé Hervé Niel, directeur départemental de la Sécurité publique de Moselle. "On a affaire à des gamins extrêmement violents, des gamins que l'on connait", a-t-il poursuivi.
Les réseaux sociaux ont déjà fait état la semaine dernière de plusieurs passages à tabac dans le cadre du "marave challenge", organisé à travers une page Facebook via laquelle les participants se donnaient rendez-vous. "Nous avons une rumeur propagée sur les réseaux sociaux que je ne peux absolument pas confirmer", indique Hervé Niel, ne confirmant pas d’autres victimes présumées que les quatre qui ont porté plainte.
À travers les médias locaux, certains lycéens se définissant comme témoin racontent en tout cas des scènes d’une rare violence. "La première fois c'était sur deux jeunes qui marchaient", a expliqué à France Bleu Nawel (prénom modifié), scolarisée en classe de 1ere dans un lycée de Metz. "Pour 10 euros, un des deux a subi une balayette et ensuite, ça a fait une bagarre générale", a-t-elle précisé. "J'étais à 50 m du lycée, j'ai vu sept ou huit jeunes frapper un autre qui était à terre. Les coups de pied et de poing étaient violents. Je me suis dit que c'était un règlement de comptes", témoigne Léo (Idem) dans Le Républicain Lorrain.
Il ne faut pas céder à la tentation de la surinformation
Les autorités locales, pour leur part, en appellent à la prudence. "Depuis le début de l'année, c'est 24 faits de bagarres entre lycéens ou d'agressions à la sortie des établissements scolaires à Metz, ce qui nous fait deux faits par mois", relativise le directeur départemental. "Il ne faut pas céder à la tentation de la surinformation, de monter en phénomène ce qui est malheureusement une réalité tout au long de l'année", a ajouté.
En effet, ces "challenges", particulièrement choquants, sont surtout la manifestation (spectaculaire) d’une vérité plus profonde. Un collégien sur cinq a déjà subi des violences physiques à l’école, selon une étude de l'Association de la Fondation étudiante pour la ville parue en septembre dernier. En 2014 et 2015, déjà, la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) dénombrait plus de 12 incidents "graves" pour 1.000 élèves chaque année dans les collèges et lycées de France.
Comment en parler à ses enfants ?
Les violences scolaires, "tous les enfants n’en parlent pas. Pour en parler, il ne faut pas avoir peur, ni honte. Il faut avoir confiance en l’adulte", expliquait récemment à Europe 1 Héléne Romano, psychologue et auteur de Harcèlement en milieu scolaire : Victimes, auteurs : que faire ?
Ainsi, les parents ignorent souvent que leurs enfants sont victimes de violences. Comment leur parler ? D’abord, il s’agit de repérer. Maux de ventre, de tête, troubles du sommeil ou de l’alimentation, boycott des cours, de la cantine ou même de la récré, matériel de classe ou vêtements endommagés… Certains signes peuvent mettre sur la voie. Ensuite, "si l’enfant sent que vous êtes stressé, il va essayer de vous rassurer. Il ne faut pas lui parler de lui mais plutôt essayer d’avoir son sentiment sur le collège en général, en lui disant par exemple : ‘Comment ça se passe au collège ? J’ai entendu dire qu’il y avait parfois des violences’", détaille Héléne Romano. Et de ‘enchaîner : "Ensuite, vous pouvez en arriver à lui : ‘et toi, comment ça se passe ?’. Et s’il continue à nier, parlez-lui de votre sentiment personnel, à vous, pas à lui : ‘moi, j’ai l’impression personnellement que ça ne va pas pour toi. Si tout va bien, tant mieux, mais si tu veux en parler, tu sais que tu peux me faire confiance, je serai toujours là pour toi’".
Une fois que l’enfant s’est confié, "il est important de le valoriser, de lui dire qu’il a eu raison de lui dire qu’il a eu raison de se confier car la situation qu’il vit est effectivement insupportable et de l’encourager sur ses points forts (résultats scolaires, sportifs ou autre) afin qu’il gagne confiance en lui". N’hésitez pas non plus à vous faire aider : Délégué de parents d’élèves, professeur principal, directeur de l’établissement, psychologue ou pédopsychiatre… Multipliez les interlocuteurs susceptibles de vous venir en aide. Sachez enfin que le ministère de l’Education nationale met à disposition un site dédié (Nonauharcelement.education.gouv.fr) et un numéro vert : le 30 20. Plus de conseils dans cet article ici.