Mario, 56 ans, est passionné de tatouage depuis son adolescence. Il a passé des dizaines d'heures à se faire tatouer... Mais il a attendu des années avant de le dire à son père.
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J’ai le bras plein de tatouages, j’en ai sur le dos, une partie d’une jambe, une partie du torse. En tout, cela représente environ une cinquantaine d’heures de tatouage. Tous mes tatouages n’ont pas forcément de sens. Certains ont du sens par rapport à ma jeunesse, à la musique. D’autres sont plus des ornements, des tatouages inspirés d’estampes japonaises par exemple, qui ont un côté esthétique, sans qu’il y ait forcément de signification.
Un jour, la mère de Mario se rend compte qu’il a des tatouages, et elle le prend plutôt bien. Mais Mario n’osait pas le dire à son père…
Mon père ne supportait pas les tatouages. Pour lui, c’était signe de délinquance, de prison : les prisonniers se tatouaient mutuellement en prison, avec de l’encre de Chine, avec de la semelle de chaussure qu’ils faisaient brûler. Avec des aiguilles, ils arrivaient à se marquer la peau.
Adolescent, j’avais peur de prendre une bonne volée. Mon père n’était pas spécialement violent, mais quand il était en colère, il fallait se méfier. Donc je les ai cachés. À 20 ans, je les cachais encore par respect pour lui. Puis après, en vieillissant, je ne voulais tout simplement pas lui faire du mal.
Mais après 30 ans de secret, un problème de santé va tout faire basculer…
J’avais un problème de gorge depuis quelque temps. Je suis allé voir un spécialiste. Il m’a dit que j’avais peut-être un cancer de la gorge, que je devais me faire opérer. Je risquais de perdre mes cordes vocales, mon père avait très peur. Finalement, je n’ai rien eu de mauvais. Mais après, je me suis dit : ‘je dois vider mon sac, il faut que je lui avoue’. J’avais un fardeau, c’était le seul secret que j’avais envers mon père.
Aujourd’hui, Mario est marié avec une femme tatouée. Ses enfants en ont aussi. Et son gendre est tatoueur. Et un jour, son père a pris une décision… surprenante.
Mon père, bizarrement, a eu récemment idée de se faire un tatouage ! Cela fait deux ans, on attend maintenant qu’il franchisse le pas. Peut-être pas dès cet été, mais je pense en septembre ou en octobre. Pour une personne qui ne supportait pas les tatouages sur les autres, c’est quelque chose de très beau à mes yeux. Le seul regret que j’ai, c’est de ne pas lui avoir dit avant. J’aurais pu vivre plus de choses avec lui, pourquoi pas aller à des conventions, des choses comme ça.
L’avis de la spécialiste
Catherine Zobouyan, psychologue clinicienne au Centre Cogito'Z, à Paris
Je pense que l’appréhension est vraiment d’être un mauvais enfant, d’être cet enfant qui n’a pas su satisfaire les représentations des parents. C’est la peur de décevoir, de ne pas être aimé, d’être rejeté. On reste toujours l’enfant de ses parents mais être adulte, c’est aussi faire ses propres choix, s’affranchir du regard de ses parents, s’aligner sur ce que l’on est en toute sécurité.
On ne doit pas tout dire à ses parents. Mais il y a des choses essentielles qui vont faire que le lien est plus ou moins fort. Le risque est d’avoir un sentiment de trahison, de culpabilité et cela peut nuire au sentiment de ce que l’on est vraiment. Je ne dirais pas que ce sont des mensonges, c’est plutôt un évitement pour préserver, pour protéger. Et après cela va nuire à la révélation de ce qui nous anime vraiment.
Cela peut avoir des conséquences sur l’affirmation de soi. Un secret peut nous affaiblir. L’idée est d’être aligné avec soit et de faire confiance aux parents. Ce sont souvent les propres peurs de la partie enfant de l’adulte qui vont cacher les choses. Dans beaucoup de cas, les choses vont être acceptées, cela fait partie de l’amour.