Enfoui au large de la Corse, le "trésor de Lava" refait parler de lui, 30 ans après un premier procès, avec la comparution à Marseille lundi de deux hommes ayant tenté de vendre un plat en or issu de cet ensemble d'objets de l'Antiquité. Félix Biancamaria et son ami d'enfance et complice présumé, Jean-Michel Richaud, sont poursuivis devant le tribunal correctionnel pour recel et détention d'un bien culturel maritime présentant le caractère de trésor national, en l'espèce un plat en or incurvé de 25 cm de diamètre estimé à plusieurs millions d'euros, pour des faits commis entre janvier et octobre 2010.
Interpellation à la gare TGV de Roissy
C'est en pêchant des oursins en 1985 dans le golfe de Lava, à 17 kilomètres au nord d'Ajaccio, avec son frère Ange et un ami, que Félix Biancamaria avait découvert les premières pièces en or de ce trésor du IIIe siècle. Déjà condamné en 1995 dans cette affaire avec son frère Ange à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende pour "détournement d'épave maritime", Félix Biancamaria est aujourd'hui poursuivi à la suite de son interpellation à la gare TGV de Roissy, en provenance de Bruxelles, en possession de ce plat considéré comme une des pièces maîtresses du trésor de Lava.
Selon ses déclarations, ce plat est réapparu en août 2010, via Jean-Michel Richaud qui le lui aurait confié, ce que celui-ci conteste. Félix Biancamaria l'aurait alors remis à Paul Canarelli, propriétaire du luxueux domaine touristique de Murtoli en Corse, qui l'aurait lui-même donné à des acheteurs potentiels belges qui ont ramené en jet privé ce plat de Corse à Bruxelles. Après qu'ils eurent renoncé à l'achat, Félix Biancamaria se serait alors rendu en Belgique pour récupérer l'objet et a été arrêté à son retour en France.
Sur terre ou en mer ?
Ses avocates, Me Amale Kenbib et Anna-Maria Sollacaro, ont annoncé lors d'une conférence de presse le 22 janvier qu'elles allaient plaider pour que leur client soit "relaxé" et que "son plat lui soit rendu". Me Sollacaro estime en effet "bien plus fortement probable que ce trésor émane de l'occupation romaine de l'époque que d'un naufrage". Or, si au départ le trésor se trouvait sur la terre ferme, celui qui le découvre a droit à 50% de sa valeur. Mais s'il s'est abîmé en mer, il appartient intégralement à l'État.
À l'origine, les premières pièces d'or aux effigies des empereurs romains Gallien, Claude II, Quintille et Aurélien, découvertes dans le golfe de Lava, remontent au milieu du XIXe siècle, déjà par un pêcheur de corail. En 1958, un article de la revue numismatique révélait qu'un navire romain chargé de pièces d'or et d'objets précieux avait fait naufrage au large de la Corse alors qu'il se rendait en Afrique du Nord, vraisemblablement entre 266 et 270. Le trésor serait composé au total de "1.200 à 1.500 pièces" dont 450 pièces auraient été récupérées et vendues, en France et à l'étranger, pour des prix unitaires pouvant aller jusqu'à 300.000 euros, selon les enquêteurs.
Une enquête de la gendarmerie d'Ajaccio, ouverte en mai 1986, avait donné lieu aux condamnations de 1995. Au total, 78 pièces provenant du trésor avaient été saisies dans cette affaire, mais le plat en or, déjà évoqué à l'époque, n'avait pas été retrouvé. En décembre 2009, une suspicion de reprise du trafic d'éléments du trésor de Lava donnait lieu à l'ouverture d'une nouvelle enquête et à la surveillance des frères Biancamaria. Au-delà des prétoires, cette histoire rocambolesque a inspiré "Inestimable", la dernière comédie de l'acteur-réalisateur et scénariste corse, Eric Fraticelli, sortie en salles le 1ᵉʳ novembre dernier.