Lundi, cinq militants étaient poursuivis pour leur participation à la manifestation anti-bassines organisée à Sainte-Soline le samedi 29 octobre malgré l'interdiction préfectorale. Mais lorsque le président du tribunal judiciaire de Niort a prononcé son verdict peu après 18 heures lundi, les principaux intéressés étaient déjà loin. En milieu d'après-midi, les quatre prévenus - le cinquième était absent pour raison médicale - se sont levé pour quitter la salle à la demande de leur avocat, maître Alexis Baudelin, lequel avait réclamé un délai supplémentaire pour préparer sa défense. Ils ont été condamnés à deux à trois mois de prison avec sursis ainsi que deux à trois ans d'interdiction de paraître dans le département des Deux-Sèvres.
Une manifestation émaillée d'affrontements avec les forces de l'ordre
Cette manifestation anti-bassines à Sainte-Soline les 29 et 30 octobre dernier a été émaillé d'affrontements avec les forces de l'ordre. Quelle est la traduction juridique ? La participation à un groupement en vue de commettre des violences et des dégradations, passible d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.
Faire de cette audience une tribune
Un délit qu'a toujours contesté François Bouyat. Originaire de Charente, ce professeur de sport retraité, âgé de 66 ans, ne comprend toujours pas pourquoi il a dû subir 48 heures de garde-à-vue et un contrôle judiciaire. "Ce procès est pour moi une violence supplémentaire, mais si c'est l'occasion de mettre en lumière les questions qui nous ont amenées à manifester, c'est-à-dire la préservation de l'eau comme un bien commun et le déni de démocratie de tout le processus de décision des bassines, alors ce procès n'aura pas été inutile", a-t-il déclaré.
Tous, en somme, voulaient faire de cette audience une tribune. Ce n'est que partie remise. Sorti sous les applaudissements de quelque 200 soutiens réunis devant un palais de justice placé sous haute protection policière, leur avocat a donné rendez-vous en appel où, espère-t-il, la "légitimité de cette lutte" sera reconnue par la justice.
C'est quand même ce qu'a tenté de faire le seul témoin cité par la défense venu déposer lors de l'audience, qui s'est donc tenue sans les cinq mis en cause. André, 85 ans, a "juré de dire toute la vérité". Face au juge qui l'interrogeait sur les débordements de la manifestation visionnés sur les deux écrans de la salle, cet ancien agriculteur a surtout exprimé sa "stupéfaction d'avoir été assailli de grenades lacrymogènes" pendant le cortège. Car oui, lui aussi en était, fin octobre.
"Pourquoi alors les gens ici ont été interpellés, et les autres laissés de côté ?" C'est précisément la question que beaucoup se posent lorsqu'il s'est agi de cerner les responsabilités de chacun. Or le président de la cour l'a lui-même reconnu, "il n'est pas reproché aux prévenus d'avoir participé aux violences", plutôt d'avoir fait diversion pour permettre aux plus radicaux d'agir. Par leur seule présence, "ont-ils occupé les forces de l'ordre et aidé les autres venus là pour en découdre ?", demande-t-il dans le vide, personne n'étant plus là pour répondre.
"La désobéissance civique c'est dur, mais nécessaire"
À vrai dire, on est surtout dans la supposition, et c'est bien le souci avec l'intitulé relativement flou de cette loi... André, lui, préfère dérouler son CV de militant : "J'ai été faucheur volontaire d'OGM en 1998, il y a eu des peines de prison et des réparations importantes à payer, mais que s'est-il passé au bout du compte ? Il y a eu un moratoire ! C'est bien la désobéissance civique qui a permis de gérer un problème de société. La désobéissance civique c'est dur, mais nécessaire." Pas de sentiment pour le tribunal qui n'avait à juger que sur la légalité de la lutte. Pour cela, il avait un arrêté préfectoral bravé comme motif, et le code pénal à disposition pour sanctionner, ce qu'il a fait après trois heures de quasi monologue. En appel, la défense promet, elle, d'investir le champ de la légitimité.