Travail de mémoire, geste financier : la secrétaire d'État auprès de la ministre française des Armées, Geneviève Darrieussecq, a présenté mardi de nouvelles mesures en faveur des harkis à l'occasion de la journée nationale leur rendant hommage.
Après la reconnaissance, le 13 septembre, de l'enlèvement et de la mort aux mains de l'armée française de l'opposant communiste Maurice Audin pendant la guerre d'Algérie, le gouvernement a ainsi pris une nouvelle initiative visant à "travailler sur l'apaisement des mémoires" autour de cette page douloureuse de l'Histoire française, a confié Geneviève Darrieussecq.
"Ils ont été confrontés à l'oubli ou à l'hostilité". Lors d'une cérémonie officielle dans la cour d'honneur de l'Hôtel national des Invalides, entre deux Marseillaise par la fanfare de la Garde Républicaine en grande tenue, elle a dévoilé "de nouvelles avancées en matière de reconnaissance, de réparation et de solidarité envers les harkis", inspirées du rapport d'un groupe de travail remis fin juin. "La République rend un hommage solennel à ceux qui, abandonnés par la France, subirent de violentes représailles ou connurent le pire. Elle se souvient de tous ceux qui durent quitter leur terre natale. (...) Ils espéraient la fraternité de la République, ils ont été confrontés à l'oubli ou à l'hostilité", a déclaré la secrétaire d'État au sujet de ces anciens supplétifs de l'armée française pendant la guerre d'Algérie. "La République a manqué à son devoir de protection envers ceux qui lui avaient fait confiance", a-t-elle insisté.
Ce nouveau "plan harkis" comprend le déblocage d'une enveloppe de 40 millions d'euros sur quatre ans, destinée à revaloriser les pensions des anciens combattants et à venir en aide à ceux de leurs enfants qui vivent dans la précarité. Ce dispositif pour les harkis de deuxième génération , qui sera accompagné d'une aide personnalisée au retour à l'emploi, "concerne potentiellement quelques milliers de personnes, sur 80.000 à 100.000 individus qui dans leur grande majorité se sont très bien intégrés", explique-t-on au ministère.
Geste mémoriel en décembre. Le gouvernement compte par ailleurs lancer plusieurs initiatives mémorielles portant sur la reconnaissance du sort de cette communauté, dont "une grande exposition nationale sur l'engagement des harkis". Une "cérémonie d'hommage exceptionnelle, présidée par le président de la République" Emmanuel Macron, sera également organisée "dans les prochains mois", a annoncé Geneviève Darrieussecq. Le chef de l'État a promu vendredi d'anciens combattants harkis et des représentants d'associations dans l'ordre de la Légion d'honneur. Cette promotion de harkis n'est pas inédite, mais importante en nombre, et pour la première fois des enfants de harkis - 16 sur 37 - ont été distingués au titre de leurs travaux et de leur parcours personnel.
"Je suis honorée, mais ma première pensée va à toutes les familles de harkis qui ont souffert, d'abord en Algérie ensuite en France", a confié Fatima Besnci-Lancou, cofondatrice d'une association, décorée de la Légion d'Honneur. "Même si c'est moi qui vais porter la médaille, je la porterai au nom de tous les miens." Avant Emmanuel Macron, François Hollande avait reconnu en 2016 "les responsabilités" de la France dans "l'abandon" des harkis.
Certains souhaitent aller devant la Cour européenne des Droits de l'homme. Certains membres de la communauté jugent toutefois ces gestes très insuffisants et réclament une réparation bien plus conséquente. "Ces annonces ne nous conviennent pas du tout", a indiqué mardi Mohamed Badi, du Comité national de liaison des harkis. "Avec les autres présidents d'associations, nous voulons désormais aller devant la Cour européenne des droits de l'homme pour une loi de reconnaissance et une réparation (financière) correcte. (...) Cette journée est de l'enfumage pour faire oublier les raisons de notre mécontentement total".
Un sort terrible en Algérie pour les Harkis restés sur place. Sur les quelque 150.000 Algériens recrutés par l'armée française comme auxiliaires durant la guerre d'Algérie, environ 60.000 sont parvenus à partir pour la métropole avec les "pieds-noirs". Mais leur accueil s'est fait dans des conditions précaires (camps, hameaux de forestage et cités urbaines), sans réelles perspectives d'intégration pour eux-mêmes ni leurs enfants. Les autres - entre 55.000 et 75.000 selon les historiens - ont été livrés à leur sort en Algérie et, considérés comme des traîtres par le nouveau régime, victimes de sanglantes représailles.