Faut-il parler de migrants, de réfugiés, d'exilés ? Les mots "ne sont pas neutres" et peuvent s'avérer "à double tranchant", en créant une distinction "qui n'a pas de sens", avertit le Défenseur des droits Jacques Toubon. "Migrants, réfugiés, clandestins, sans-papiers, immigrés, exilés, sont autant de mots rarement utilisés de manière indifférente", souligne-t-il en préambule de son rapport sur la situation des étrangers en France publié lundi, revenant sur une querelle sémantique qui a repris en vigueur avec la crise des réfugiés.
"Migrants", le plus neutre ? Si son rapport est consacré aux "étrangers", Jacques Toubon parle aussi de "migrants", en tant que "sujets de droits dans un processus d'immigration, de déplacement". Ce terme de "migrants" a longtemps été vu "comme le plus neutre, au regard notamment de celui de 'clandestin', particulièrement utilisé par des mouvements anti-immigration et l'extrême droite", dit-il. Mais il peut lui aussi poser problème car il a, "depuis une période très récente, tendance à être utilisé pour disqualifier les personnes, leur dénier un droit à la protection en les assimilant à des migrants 'économiques', dont l'objectif migratoire serait utilitariste et, partant, moins légitime que celui lié à la fuite de la guerre ou des persécutions opérée par le réfugié".
Bons réfugiés contre mauvais migrants ? Faut-il alors privilégier le terme de "réfugié" ? Pas forcément, selon Jacques Toubon. Cette appellation "est à double tranchant" car "elle peut inciter à distinguer, une fois de plus, les 'bons' réfugiés, ceux qui pourraient prétendre à une protection au titre de l'asile, des 'mauvais' migrants dits économiques". Ce qui, pour le Défenseur, "n'a pas de sens" car "il est difficile de savoir quelle est la cause principale de la décision de départ, les raisons de la migration étant souvent entremêlées, particulièrement en cas de fuites de sociétés verrouillées, tenues par des régimes autoritaires ne laissant aucune perspective d'avenir".
Cette distinction "matérialisée aujourd'hui par des 'hotspots' filtrant les migrants aux portes de l'Europe" conduit "à jeter le discrédit et la suspicion sur les exilés dont on cherche à déterminer si leur choix d'atteindre l'Europe est noble, moral et pas simplement utilitaire". "Avec, à la clé, le risque de priver de protection les personnes en droit d'en bénéficier", prévient Jacques Toubon.