Les deux trentenaires qu'Alexandre Benalla est soupçonné d'avoir violentés le 1er mai à Paris livrent leur version des faits dans un long récit publié par "Le Monde", jeudi.
Georgios et Chloé affirment n'avoir "toujours pas bien compris ce qui leur est tombé sur la tête". Quatre mois et demi après les violences qu'ils ont subies place de la Contrescarpe, à Paris, les deux trentenaires sortent de leur silence dans une interview au Monde, jeudi, au lendemain de leur première audition par la justice. Depuis la mise au jour des vidéos à l'origine de l'affaire Benalla, cet été, le couple n'avait jamais livré sa version des faits pour lesquels l'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron est mis en examen.
"Si tu n'es pas content, rentre chez toi". Le 1er mai, Georgios, 29 ans, "cuistot", et Chloé, 30 ans, graphiste, expliquent qu'ils fêtaient les six ans de leur rencontre à Thessalonique, en Grèce. Ils affirment avoir assisté à de premières échauffourées entre manifestants et forces de l'ordre vers 18 heures, rue Blainville, aux abords de la place de la Contrescarpe. Georgios reçoit alors des gaz lacrymogènes. Demandant à un CRS : "pourquoi tu m'as poussé avec ta matraque ?", il s'entend répondre : "si tu n'es pas content, rentre chez toi ou dans ton pays."
Le couple s'éloigne et prend la direction de la rue Mouffetard, où il a ses habitudes. Puis il traverse la place de la Contrescarpe au moment où les policiers chargent. "Pourquoi vous traitez les gens comme ça ?", lance Georgios, qui dément fermement tout engagement militant, n'ayant participé qu'à une seule manifestation, adolescent, en Grèce. "Un des policiers du bout de la ligne shoote dans une bouteille en verre, dans ma direction", raconte le jeune homme. C'est là qu'il lance une carafe sur les forces de l'ordre, comme le montre l'un des films de la scène : "j'ai perdu le contrôle".
"Une réaction sanguine, stupide". Chloé s'empare aussi d'un projectile. "Une réaction sanguine, stupide, que nous regrettons, mais en aucun cas de la provocation", assure-t-elle au Monde. "Puis j'ai vu Georgios se faire attraper par un policier en civil. Un autre, avec un casque de CRS, me saisit par la nuque et le bras." Le premier est Vincent Crase, ancien employé de LREM, également mis en examen dans ce dossier. Le second, Alexandre Benalla. Ces quelques secondes, immortalisées par plusieurs passants et par les caméras de vidéosurveillance, feront le tour de tous les médias.
La suite du récit est livrée au quotidien par Georgios. "J'essaie de m'expliquer, mais monsieur Benalla arrive derrière moi, m'attrape par la nuque, m'étrangle, me soulève. Je reçois un coup à l'estomac, un coup sur le visage, il me tient toujours", raconte-t-il. "Un CRS me frappe derrière les genoux avec sa matraque, je tombe par terre. Et je reçois un coup de pied final de Monsieur Benalla, qui m'écrase le thorax."
Conduits à l'évangile, un centre de tri où les forces de l'ordre retiennent les personnes arrêtées après les grandes manifestations, Chloé et Georgios affirment avoir donné leur véritable identité, contrairement à ce qu'a affirmé Alexandre Benalla. Libérés, ils n'ont jamais fait l'objet d'une nouvelle convocation. Jusqu'à devenir le célèbre "couple de la Contrescarpe", témoin d'une affaire qui touche l'Elysée au cœur.