L'avocat de Mehdi Nemmouche, jugé pour un quadruple assassinat en 2014 au musée juif de Bruxelles, a suggéré jeudi que le djihadiste avait été piégé par les services libanais ou iraniens.
Mehdi Nemmouche n'est pas le tueur du musée juif de Bruxelles, mais se serait retrouvé mêlé à une opération de services de renseignements iraniens ou libanais contre des agents du Mossad : à une semaine du verdict, la défense du djihadiste français a longuement développé sa version des faits jeudi, sans jamais l'étayer concrètement.
Six heures d'une plaidoirie brouillonne. À l'issue de plus de six heures de plaidoirie, Me Sébastien Courtoy, avocat vedette de Nemmouche, a imploré le jury de "ne pas se tromper" en le condamnant, répétant que le djihadiste avait été "piégé". Sans l'étayer avec un élément concret, il a suggéré que son client avait été recruté au Liban en janvier 2013 par les "renseignements" iraniens ou libanais pour rejoindre les rangs du groupe djihadiste État islamique (EI) en Syrie. "Est ce que ces gens-là font vraiment partie des renseignements iraniens ? Ils ne viennent pas avec un diplôme", a toutefois nuancé l'avocat, qui avait évoqué les "services libanais" plus tôt dans la journée.
Pas une attaque de l'Ei, mais "une exécution ciblée d'agents du Mossad". À son retour en Europe, après un an passé en Syrie, Mehdi Nemmouche aurait continué de "travailler" pour ce groupe. Il se serait ainsi retrouvé mêlé à l'"exécution ciblée" de deux agents du Mossad au musée juif de Bruxelles ce 24 mai 2014. C'est ainsi que sont désigné les époux israéliens Miriam et Emmanuel Riva, les deux premières des quatre personnes assassinées. Leurs avocats ont déjà vivement contesté cette thèse au cours du procès, fustigeant "un scandale absolu". Miriam Riva, 53 ans, était comptable pour le service secret israélien mais n'était "pas sur le terrain opérationnel", ont aussi affirmé les enquêteurs.
Jeudi matin, Me Courtoy avait assuré pour la première fois que d'autres hommes avaient eu accès à l'appartement bruxellois loué par l'accusé avant l'attaque, ainsi qu'à son ordinateur et à ses effets personnels, dans le but de l'incriminer. Au fil d'une plaidoirie décousue, empreinte d'ironie, de provocations, mais aussi de sorties violentes contre ses adversaires, l'avocat a ensuite déroulé une liste d'éléments à même, selon lui, d'invalider les preuves de l'accusation.
Images "truquées", absence de revendications, "mensonges"... Dans le désordre : des images "truquées", l'absence de revendication des faits par l'organisation État islamique (EI), la non-reconnaissance de son client par certains témoins, ou encore "les mensonges" des journalistes français otages en Syrie en 2013, qui ont reconnu Nemmouche comme un de leurs geôliers. Il met aussi en doute les vidéos de revendication retrouvées dans un ordinateur en possession de son client. "Le type qui revendique, c'est un handicapé linguistique. En cinq minutes, il fait huit fautes", relève Me Courtoy, quand Nemmouche parle selon lui un français parfait.
Mehdi Nemmouche, 33 ans, est accusé d'avoir abattu quatre personnes de sang-froid en moins d'une minute et demi, le 24 mai 2014 au musée juif, une attaque antisémite qui avait ému la communauté internationale. Aux yeux de l'accusation, il s'agit du premier attentat perpétré en Europe par un combattant djihadiste de retour de Syrie, un an et demi avant les sanglants attentats du 13 novembre 2015 à Paris, qui avaient fait 130 morts et des centaines de blessés.
Une stratégie "complotiste" et "stupide" pour le parquet. Six jours après la tuerie, le 30 mai 2014, ce délinquant multirécidiviste radicalisé en prison avait été arrêté à Marseille en possession des armes utilisées, un revolver et une kalachnikov, et, entre autres effets personnels, une veste présentant des "résidus" de tirs. "En 27 ans de carrière, j'ai rarement vu autant d'éléments à charge d'un accusé qui persiste à nier", a affirmé lundi l'un des deux avocats généraux, Bernard Michel. Le réquisitoire a éreinté la stratégie de défense de Nemmouche, tour à tour jugée "complotiste", "stupide" ou "choquante".
Au procès comparaît également Nacer Bendrer, 30 ans, un délinquant marseillais accusé d'avoir fourni les armes à Nemmouche, qui nie toute implication. Me Courtoy a de nouveau dédouané jeudi le Marseillais, que Nemmouche avait connu en 2008-2009 lors d'un séjour en prison dans le sud de la France. Nemmouche aurait repris contact avec lui en 2014 dans l'espoir "que Bendrer, (...) le plus gros caïd qu'il connaisse, le protège".