Le niveau baisse de manière significative. Selon l’étude internationale Pirls* dévoilée mardi, les compétences en lecture et compréhension des petits écoliers français en classe de CM1 chutent par rapport au début des années 2000. La France pointe à la 34e position de ce classement mondial, loin derrière les bons élèves comme la Russie, Singapour, l’Irlande ou la Finlande. Pour faire simple, un Français de 10 ans comprend moins bien ce qu’il lit que ses camarades européens. Mais d’où viennent ces mauvais résultats ? La méthode ? La formation des enseignants ?
Est-ce un problème de méthode ? "Lorsque les élèves sont interrogés sur le déchiffrage simple du texte, ils n’ont pas de problème", commente d’abord Roland Goigoux, spécialiste de l’enseignement de la lecture à l’université de Clermont. "Mais lorsqu’on interroge les enfants sur des choses plus complexes, les écoliers français sont à la traîne. L’enseignement qu’on peut en tirer est assez simple : Pirls évalue des compétences que l’école française enseigne assez mal".
Pour certains spécialistes, la méthode d’apprentissage de la lecture aux enfants dès le CP (cours préparatoire) n'est pas la bonne et ils voudraient revenir à la méthode syllabique. "Comme ce n’est pas un problème de déchiffrage, ce n’est donc pas un problème de méthode", écarte tout de suite Roland Goigoux. "Les élèves français déchiffrent tout à fait bien mais ils comprennent mal".
" Au moment où on a des problèmes de lecture, on propose de remettre une dictée par jour ! "
Ce spécialiste de l’enseignement de la lecture estime que le problème est mal pris en considération dans notre pays. "En France, explique-t-il, on croit encore que la lecture c’est une question de cour préparatoire. Mais enseigner la compréhension c’est une stratégie au long cours qui doit débuter dès la maternelle. Il y a très peu d’apprentissage de compréhension en France et c’est la raison pour laquelle on le paie cher dans les études comparatives internationales".
La formation des enseignants, le nœud du problème ? "On ne s’en sortira pas si le ministre ne prend pas des décisions très fortes sur la formation des maîtres qui est grandement responsable du mauvais système éducatif", estime Alain Bentolila, professeur à l’université Paris Descartes. "On ne travaille pas avec les maîtres sur la façon dont ils doivent mener l’apprentissage de la lecture et de la compréhension des textes".
"Les Français sont parmi les pays qui ont le moins de formation continue centrée sur la lecture", renchérit Roland Goigoux. "C’est vraiment une dimension qui n’est pas investie par le ministère de l’Éducation nationale. C’est notre talon d’Achille depuis 20 ans. On le sait mais on n’a pas vraiment l’intention d’en tenir compte".
"Si au moment où on a des problèmes de lecture, on explique que la réponse réside dans l’orthographe et la dictée, on risque d’avoir les mêmes résultats dans cinq ans", déplore Roland Goigoux. Jean-Michel Blanquer a tout de même promis mardi un plan de formation en lecture pour les professeurs des écoles.
Le dédoublement des classes peut-il aider ? "Le fait d’avoir dédoublé les CP et CE1 dans les zones les plus défavorisées est une excellente chose", estime le linguiste Alain Bentolila. "Cela peut améliorer les problèmes rencontrés par les élèves qui sont le plus en difficulté".
* L'étude Pirls a testé 320.000 écoliers au total âgés entre 9 et 10 ans, ayant suivi quatre années de scolarité obligatoire (soit le CM1 en France), sur leurs capacités à comprendre des textes littéraires ou purement informatifs. C'est sur ces textes informatifs que les petits Français ont le plus "décliné", avec un score de 510 en 2016, contre 532 en 2001 lors de la première étude Pirls.