Le 26 juin dernier, l'avenir du projet le plus controversé de Loire-Atlantique semblait scellé. Invités à voter lors d'un référendum, les habitants du département étaient plus de 55% à répondre "oui" à la question : "Etes-vous favorable au projet de transfert de l'aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ?" Dans la foulée, Manuel Valls se montrait ferme : "Le gouvernement fera appliquer le verdict des urnes." Comprendre : au vu de l'issue du référendum, l'évacuation des opposants au projet aurait bien lieu à l'automne, avant le début des travaux.
Selon le calendrier fixé par le Premier ministre, le départ des "zadistes" devrait donc être imminent.. Mais quatre mois plus tard, les données de l'épineux dossier ont, une nouvelle fois, bien changé. Entre cacophonie gouvernementale, trêve hivernale et probable annulation des arrêtés autorisant les travaux, le projet semble plus que jamais avoir du plomb dans l'aile.
Acte 1 : Passe d'armes entre Royal et Valls
Après les résultats du référendum, l'heure semblait au soulagement pour le gouvernement. Mais au fil des mois et à mesure que la période de l'évacuation annoncée approchait, une voix s'est fait dissonante : celle de la ministre de l'Environnement, Ségolène Royal. "Je ne suis pas favorable à l'évacuation par la violence de la Zad ("zone à défendre", ndlr). Cela se passerait très mal et ça serait là aussi des violences et des affrontements tout à fait inutiles", dégaine-t-elle sur iTélé le 10 octobre. Et d'enfoncer le clou une semaine plus tard, dans le Journal du Dimanche : "Est-il pertinent de prendre des risques pour une infrastructure inadaptée, comme l'ont dit les experts indépendants ? (...) Devant le blocage sur le terrain, il faut mieux arrêter les frais."
Le recadrage de Manuel Valls intervient moins de 24 heures plus tard. "Ce que je demande (...), c'est qu'on respecte le vote des électeurs, et je connais l'attachement de Ségolène Royal à l'ordre juste et à la démocratie." Figés dans leurs positions respectives, les deux membres du gouvernement se sont ensuite livrés à un véritable ping-pong par médias interposés, l'une estimant qu'il n'est "pas aberrant" que plusieurs points de vue existent au sein de la majorité, l'autre accusant sa rivale d'affaiblir l'autorité de l'Etat. A ce petit jeu, la ministre de l'Environnement a reçu le soutien - rapporté - de… son ancien compagnon, François Hollande. Dans Un président ne devrait pas dire ça…, les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme affirment que le Président de la République leur a confié "ne pas être pour le projet en tant que tel". Une phrase "plus d'actualité" après le référendum, tente de justifier le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll.
Acte 2 : Une évacuation illégale ?
En dépit des rumeurs d'évacuation, plusieurs manifestations d'opposants ont ensuite rassemblé des milliers de personnes, tout au long de l'automne. "Si le premier bulldozer arrive ou que le premier gendarme arrive, pour commencer à vider la Zad ou commencer le chantier, je serai là et je désobéirai à la loi qui interdit de s'opposer à des grands travaux", déclarait, fin octobre, l'eurodéputé écologiste José Bové, appelant les Français à l'imiter.
Le 1er novembre, les "zadistes" ont entrevu une voie légale de repousser leur départ : avec le début de la trêve hivernale, protégeant de l'expulsion les locataires qui n'arrivent plus à payer leur loyer, les opposants affirment ne pas être expulsables avant le 31 mars. Dans les faits, c'est un peu plus compliqué, explique Ouest-France : légalement, la trêve ne s'applique pas aux squatteurs entrés par effraction dans les logements qu'ils occupent. Reste, dans les faits, à différencier ces opposants des autres…
Acte 3 : Les travaux interdits en appel ?
Alors que le débat autour du projet reprend, le rapporteur public a formulé un avis aux allures de coup de massue, vendredi dernier. A quelques jours de l'examen, en appel, des recours déposés par les opposants au projet, ce dernier a annoncé se prononcer pour l'annulation de quatre arrêtés autorisant les travaux. "Ceux qui pensent que le rapporteur public peut être influencé par des pressions du gouvernement connaissent bien mal la justice administrative", a lancé la magistrate à l'ouverture de l'audience, proposant à la cour d'annuler ou de supprimer ces quatre arrêtés, liés aux aménagements hydrauliques et aux destructions d'espèces qu'impliquerait le chantier.
Quinze ans après le début de la bataille judiciaire menée par les anti Notre-Dame-des-Landes, c'est la première fois que la balance semble pencher en leur faveur : non contraignantes, les préconisations du rapporteur sont généralement suivies par la justice administrative. Or, si les arrêtés étaient annulés, "les conditions pour une intervention ou un démarrage des travaux ne seraient nullement réunies", selon Thomas Dubrueil, l'un des avocats des requérants. La décision de la cour est attendue fin novembre.