"Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?" Voilà la question à laquelle sont invités à répondre les 174.154 électeurs de cet archipel du Pacifique sud. Ce scrutin, qui divise profondément les habitants, est prévu depuis les accords de Matignon en 1988, qui mettaient fin à quatre ans d'une quasi-guerre civile.
Le douloureux souvenir d'Ouvéa. Sur la petite île d'Ouvéa, où vivent 3.374 personnes quasi-exclusivement kanaks, on n'a rien oublié de ces sombres années. Du 22 avril au 5 mai 1988, des indépendantistes attaquent une gendarmerie. Deux militaires sont tués et 27 sont pris en otages. L'assaut des forces de l'ordre pour les libérer finit dans un bain de sang : 19 morts chez les indépendantistes, deux chez les militaires. En conséquence de cette tragédie, on décide alors que la Nouvelle-Calédonie exercera son droit à l'autodétermination.
Un référendum "bidon et illégitime". Trente ans après le drame, les drapeaux kanaks sont partout à Ouvéa. Ils sont peints sur les murs ou flottent au-dessus de la route principale. Mais sur le bitume, on peut lire "Je ne vote pas". Ce rejet du scrutin est né dans la tribu de Gossanah, celle à laquelle appartenaient les militants tués en 1988. Macky Wea appelle aujourd'hui à ne pas voter, car les kanaks sont aujourd'hui minoritaires dans le corps électoral. "En glissant ton bulletin, tu valides la mort du peuple kanak. Ce référendum est bidon et illégitime. Lors d'un référendum d'autodétermination, seul le peuple colonisé doit voter, donc les kanaks", juge-t-il au micro d'Europe 1.
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Pour d'autres, en revanche, pas question de s'abstenir dimanche. Ils voteront oui à l'indépendance. "Je considère la France comme un colonisateur, et je veux tout simplement que le peuple kanak reprenne sa liberté", annonce un habitant.
"Les gens de l'île sont 100% entretenus". À Ouvéa, la campagne des loyalistes n'est pas simple. Cela n'empêche pas Simon Loueckhote, ancien sénateur de faire le tour de son île pour coller lui-même des affiches qui proclament "La France est une chance", car l'Etat consacre chaque année plus d'1,3 milliard d'euros à la Nouvelle-Calédonie. "Les gens de l'île sont à 100% aidés, soutenus, entretenus par la puissance publique. Alors quand on me parle de colonisation, je ne comprends pas tellement. Que serait la dignité des kanaks si ces transferts devaient cesser et s'il fallait aller mendier". Réponse des indépendantistes : "la dignité plutôt que le confort".
Dans quelles conditions de sûreté va se dérouler le scrutin ?
L'enjeu est évidemment que le résultat soit incontestable. L'Etat a donc mis le paquet : 250 délégués, qu'ils soient magistrats ou fonctionnaires de préfecture, sont arrivés de l'Hexagone pour veiller au bon déroulement du scrutin. Une douzaine d'observateurs de l'ONU seront également présents, car la Nouvelle-Calédonie est depuis 1986 sur sa liste des territoires à décoloniser.
Il faut noter que la présence d'observateurs internationaux est classique pour une présidentielle. Mais le fait qu'ils viennent des Nations-Unies est une première pour un scrutin français.
Par ailleurs, un important dispositif de sécurité est mis en place. Trois escadrons de gendarmes mobiles, soit plus de 200 hommes, sont arrivés de métropole il y a un mois pour renforcer les effectifs postés sur l'île. Au total, un millier de gendarmes seront déployés dans l'archipel dimanche. Cette logistique va coûter plus de 5 millions d'euros à l'Etat, soit plus de 30 euros par électeur. À titre de comparaison une présidentielle revient à un peu plus d'un euro par électeur.