A "Nuit debout", on n'applaudit pas mais on agite les mains en l'air pour exprimer son approbation. Assis en cercle, les centaines de participants aux assemblées générales ont leur propre langue des signes, comme avant eux les "Indignés" espagnols ou les Occupy.
Un mode d'emploi bien rodé. Dans la foule, plusieurs pancartes gondolées par la pluie circulent de main en main : c'est le mode d'emploi des AG. Des silhouettes noires y ont été dessinées au pochoir façon signalétique, pour résumer les gestes à adopter pour participer aux débats et... voter. Car dans ces "Nuit debout", c'est la foule qui a le dernier mot. Suivant cette règle simple, les propositions, qui se succèdent à longueur d'assemblées générales, sont soumises au vote puis adoptées ou recalées. Mais ici, pas d'urnes ni d'isoloir, on vote à visage découvert avec ses bras et ses mains. Les codes sont simples :
Le langage des AG pour plus d'un millier de personnes réunies maintenant #PlaceDeLaRepublique#NuitDeboutpic.twitter.com/tkoeFX3o7V
— Joël Métreau (@jometro) 3 avril 2016
Pour dire "Je suis d'accord", on lève les bras en l'air et on agite les mains. Inversement, on exprime un désaccord en levant les mains en l'air et en croisant les bras. Pour une opposition radicale, même croisement de bras mais les poings fermés cette fois. Enfin, pour rappeler qu'une idée exprimée a déjà été développée : on fait des moulinets de main.
D'où vient ce langage des signes ? Cette gestuelle silencieuse a de quoi intriguer. Pourtant, elle est loin d'être nouvelle : elle a déjà été utilisée par les "Indignés" espagnols ou par le mouvement Occupy. "Nuit debout" reprend donc à son compte un langage préexistant, avec quelques variantes locales toutefois. Un militant de Podemos explique par exemple à Slate qu'à l'origine, les mains qui s'agitent sont destinées à applaudir sans bruit. A Paris, beaucoup les utilisent pour voter "oui". Chez les cousins espagnols ou américains de "Nuit debout", les bras en croix étaient utilisés non pas pour exprimer un désaccord mais bloquer une décision.
Une appropriation française. Place de la République, on n’exige pas 100% d'assentiment, mais une large majorité pour qu'une idée soit adoptée par le mouvement. "Les personnes qui expriment un désaccord doivent être consultées et s'exprimer devant les autres", indique à Slate Pablo Lapuente Tiana, militant de Podemos. Un nouveau vote à main levée est ensuite relancé afin de voir si les arguments avancés changent la donne. Chez les "Indignés" ou chez les Occupy, une décision n'était adoptée que si elle recueillait l'unanimité totale... ce qui pouvait engendrer des lenteurs dans le processus de décision.
En s'affranchissant des limites rencontrées par les "Indignés" ou Occupy, le mouvement "Nuit debout" s’est inventé son propre langage.