Le Roquefort, visé par un classement Nutri-Score défavorable, dénonce une "approche punitive" et réclame une exemption pour le célèbre fromage de brebis de l'Aveyron, au nom de la tradition et du respect d'un patrimoine gastronomique. Le Nutri-Score, système d'étiquetage facultatif, mis en place à l'initiative du gouvernement français en 2016, est basé sur cinq lettres (A,B,C,D,E) et un code couleurs, du vert au rouge, selon la qualité nutritionnelle de l'aliment. Le Nutri-Score de 90% des fromages, dont le Roquefort, est de D et E.
"Il y a quelque chose de profondément illogique à se mettre des bâtons dans les roues avec une lettre qui laisserait entendre qu'il y a un problème sur les valeurs nutritionnelles de nos produits alors qu'ils sont de qualité et reconnus comme tel", explique au micro d'Europe 1 Sébastien Vignette, secrétaire général de la Confédération générale de Roquefort. "On se tire une balle dans le pied avec ce genre d'application aveugle d'un algorithme qui a du sens pour les produits transformés, mais pas pour nos produits."
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"Un sentiment d'injustice, nous sommes les héritiers de recettes ancestrales"
"C'est paradoxal. Des produits industriels ultra transformés avec des conservateurs peuvent avoir A ou B, alors que nos produits de terroir très naturels sont stigmatisés", pointe le secrétaire général, soutenu par nombre d'élus d'Aveyron et d'Occitanie. "Les pouvoirs publics envisagent de rendre le Nutri-Score obligatoire à partir de 2022, c'est pour cela qu'on se mobilise. On ressent un sentiment d'injustice, nous sommes les héritiers de recettes ancestrales, avec un cahier des charges garant de qualité", explique Sébastien Vignette.
Le patron de l'interprofession Roquefort voit dans le Nutri-Score un "logo simpliste". "On vit une drôle d'époque où la complexité, la nuance ont rarement leur place, estime-t-il. L'équilibre alimentaire, l'histoire de nos produits, c'est pas ça". "Entre A et E, si je ne connais pas, je vais naturellement vers le A. Pour le Roquefort, ça n'a pas de sens. Le cahier des charges c'est déjà un acte de responsabilité vis-à-vis du consommateur. Le mieux est l'ennemi du bien", estime le député LREM de l'Aveyron, Stéphane Mazars.
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Une grogne partagée par de nombreux producteurs en France
"La volonté de transparence due au consommateur doit être rationnelle et de bon sens", ajoute le parlementaire. La mobilisation engagée par l'AOP, qui commercialise 7.000 tonnes de Roquefort par an, dont 25% à l'export, n'est pas isolée. La grogne exprimée en Aveyron est partagée par de nombreux producteurs de fromage en France. Sébastien Vignette met en avant qu'il n'y a pas de "problème de surconsommation de fromage en France" et que Santé Publique France ne devrait pas mettre à l'index "le Roquefort et les autres fromages de qualité AOP". "On n'est pas dans un combat contre le Nutri-Score, insiste-t-il, s'il est réservé aux produits industriels pré-transformés. Il est louable d'informer le citoyen. On combat l'application aux produits AOP".
Largement plébiscité par les distributeurs et industriels, dans un contexte de demande d'information croissante du consommateur, le Nutri-Score est également adopté en Belgique, Espagne ou Allemagne, et il est recommandé par l'OMS (Organisation mondiale de la santé).