Les manifestants contre la politique "libérale" d'Emmanuel Macron ont défilé jeudi pour la quatrième journée de mobilisation depuis la rentrée pour dénoncer les ordonnances, en vigueur depuis septembre, espérant être entendus par un gouvernement déjà passé à d'autres réformes. Malgré la présence de FO, qui appelait pour la première fois à défiler, aux côtés de la CGT de Solidaires, la FSU et des organisations de jeunesse (Unef, FIDL et UNL), les cortèges étaient clairsemés..
Plus de monde qu’en octobre mais moins qu’en septembre. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. D'après les chiffres du ministère de l'Intérieur, 80.000 personnes ont manifesté jeudi dans toute la France, contre 40.000 lors de la précédente journée d'action le 19 octobre.
À Paris, la préfecture de police a décompté 8.000 manifestants sur le parcours entre République et Nation, plus que lors de la précédente journée d'action le 19 octobre (5.500 personnes mais la CGT défilait seule). Toutefois, cela fait deux fois moins de monde que le 21 septembre (16.000 participants) et trois fois moins que pour la première journée de mobilisation le 12 septembre (24.000). De son côté, la CGT avance le chiffre de 40.000 manifestants à Paris, contre 25.000 le 19 octobre et 55.000 le 21 septembre.
En régions, les premières remontées ne sont pas plus impressionnantes. Il n’y avait pas grand monde à Lyon (entre 3.000 et 10.000), Nantes (entre 2.500 et 4.000), Strasbourg (entre 900 et 1.200 personnes), Grenoble (1.500 selon la préfecture) ou encore Rennes (entre 1.200 et 1.600). Les cortèges marseillais de FO et de la CGT, qui défilaient séparément ne se rejoignant qu'à la fin, ont rassemblé 2.500 personnes au total selon la police, contre 3.000 lors de la dernière journée de mobilisation mi-octobre. La CGT, de son côté, estime que la participation est en hausse dans son cortège : 25.000 personnes contre 20.000 il y a un mois.
" Ce n’est pas un baroud d'honneur. Ça va continuer. "
"Pas un baroud d'honneur". Malgré la faible mobilisation, Philippe Martinez a refusé de s’avouer vaincu. "Ce n’est pas un baroud d'honneur. Ça va continuer", a assuré le leader de la CGT. "C'est important de se retrouver dans les manifestations parce que le mécontentement, il est là. Il faut continuer à dire qu'on peut faire autrement. Ce n'est pas terminé." Parmi les combats à mener, il a cité "les ordonnances", mais aussi le "besoin de maintenir la hiérarchie des normes, d'améliorer partout les droits du travail dans les entreprises". Mais le syndicaliste semble tout de même un peu résigné sur le terrain de la rue. La veille, dans Les Échos, il avait concédé que son objectif était désormais d’"organiser la résistance contre l'application des ordonnances dans les entreprises".
Mailly est passé à autre chose. Alors que Philippe Martinez continue de mener la bataille contre les ordonnances, son homologue de FO Jean-Claude Mailly, semble être passé à autre chose. D’où une certaine confusion sur le mot d’ordre de cette journée d’action. "On veut tirer la sonnette d'alarme sur des dossiers à venir, comme l'assurance-chômage et, l'an prochain, l'assurance retraite", a déclaré le secrétaire général de FO. "On a aussi une forte inquiétude sur l'avenir du service public républicain. Nous craignons fortement, au-delà de la question du pouvoir d'achat des fonctionnaires, qu'il y ait des missions de service public qui soient retirées", a-t-il poursuivi. "On sonne l'alerte en disant au gouvernement, au président de la République : ‘Attention, on surveille ça de près’."
La division syndicale nous a coûté cher, la division du politique et du syndical aussi
Derrière l’unité de mobilisation, la division de positions entre les deux hommes est apparue clairement jeudi : Philippe Martinez a défilé à Paris alors que Jean-Claude Mailly était à Marseille, qui plus est dans un cortège distinct de celui de la CGT et ses alliés. Une divergence qui s’est retrouvée dans les banderoles : "Privé – public : Pour un droit du travail qui protège les salariés. Tous dans l'action pour refuser les ordonnances de destruction sociale", pouvait-on lire à Paris, alors qu’en tête du cortège FO à Rennes, on donnait dans l’élargissement des luttes : "Code du travail, assurances chômage, retraite, nous ne laisserons pas brader les droits collectifs".
Mélenchon s’en mêle. Autre figure de la contestation sociale, Jean-Luc Mélenchon a aussi défilé à Marseille, en marge des deux cortèges, en compagnie de quelques dizaines de militants de la France insoumise. "Il ne faut plus être séparés entre les syndicats. La division syndicale nous a coûté très cher, et puis la division du politique et du syndical aussi", a-t-il cependant déclaré, spécifiant que "la manière dont a été organisée la résistance" contre la transformation du code du travail a "beaucoup pâti de la division syndicale". "Il y a des milliers, des millions de militants politiques (…) qui sont prêts à entrer dans l'action mais à condition qu'on les appelle à une action qui leur semble avoir du sens", a assuré le député des Bouches-du-Rhône.
Sur le fond, Jean-Luc Mélenchon continue de donner la priorité à la lutte contre la réforme du droit du travail : "Aujourd'hui le problème, c'est les ordonnances, c'est maintenant que ça se passe. La suite qu'on nous annonce va être terrible. Si on recommence les étapes suivantes dans les mêmes conditions le résultat sera le même". Encore faut-il que la mobilisation trouve un nouveau souffle.
Du grabuge à Paris, Nantes et Rennes
Des incidents ont été enregistrés à Paris où des vitres d'agences bancaires et d'assurances ont été notamment brisées. Aux cris de "anticapitalistes", des jeunes encagoulés ont ainsi cassé les vitres d'une agence BNP et d’une enseigne AXA. Le cortège a été bloqué à plusieurs reprises par des "ultras" qui en avaient pris la tête. A Nantes, des affrontements marginaux ont éclaté entre les forces de l’ordre et des manifestants. A Rennes, deux manifestants ont été interpellés pour la dégradation d’une agence d’intérim.