Des parlementaires, des sportifs, des dirigeants économiques et politiques… Le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), représenté en France par Le Monde et Cash Investigation (l'émission de France 2), révèle depuis dimanche les résultats d'une enquête d'une ampleur inédite. Pas moins de 11,5 millions de documents, provenant du cabinet d'avocat panaméen Mossack Fonseca, ont été analysés par 107 rédactions et 370 journalistes. Les enquêteurs ont révélé la présence d'avoirs dans des paradis fiscaux de 140 responsables politiques ou personnalités de premier plan. Sont notamment cités Vladimir Poutine, les présidents ukrainien et argentin, le Premier ministre islandais ou encore Patrick Balkany, Jérôme Cahuzac, Michel Platini ou Lionel Messi.
>> Comment ces documents ont-ils été obtenus et analysés ?
Comment les journalistes ont-ils eu les documents ? Tout commence il y a environ un an. Une source anonyme contacte le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. Lors d'échanges cryptés sur des tchats, cette source finit par communiquer au journal, en format informatique, les 11,5 millions de documents qui serviront à l'enquête. Le lanceur d'alerte assure agir pour le bien public, afin de faire cesser un agissement qu'il qualifie de "criminel", racontent les journalistes. S'agit-il d'un pirate informatique ou d'une source interne à Mossack Fonseca ? On ne le sait pas. Le journal allemand ne communiquera pas l'identité de sa source, pas même aux journaux partenaires.
Comment ont-ils décortiqué les données ? Pour analyser les documents à elle seule, la rédaction du Zeitung évalue le temps de travail à environ mille ans. Elle décide donc de se rapprocher des 107 rédactions du consortium des journalistes d'investigations. Ceux-ci commencent d'abord par vérifier l'authenticité des documents. Ils se rendent notamment compte qu'une partie correspond à des éléments déjà communiqués par le passé par un lanceur d'alerte aux autorités fiscales de certains pays, notamment la France et l'Allemagne.
Les journalistes font ensuite appels à des outils informatiques spécifiques pour analyser les millions de mails et de tableaux disponibles. Ils convertissent les PDF et les images scannées (des passeports, des contrats) en format textuel, pour faciliter la recherche. Ensuite, ils effectuent leur investigation via un moteur de recherche ultra-efficace. Comme le raconte Le Monde, la méthode peut alors être multiple : le journaliste peut taper un nom, une expression ou le nom d'une société. Il peut ainsi taper "passeport français" ou même des termes plus techniques, comme "PEP" (acronyme anglais de "personne politiquement exposée"), "UBO" ("bénéficiaire économique ultime") ou encore "Due Diligence" ("vérification de l’identité du client") et ils regardent ceux qu'ils y trouvent.
Une autre méthode consiste à taper une liste entière de noms, comme une liste de parlementaires français, la liste Forbes des 500 personnalités les plus riches ou celle des personnalités préférées des Français par exemple.
Comment comprendre ce que l'on lit ? Ensuite, il faut analyser ce que l'on lit. Ce n'est pas parce qu'un nom apparaît dans le fichier que la personne dispose forcément d'un compte offshore. Dans ces fichiers, on trouve aussi bien des contrats bancaires, des mails confidentiels que de simples recherches Google. Et même lorsque la présence d'un nom est louche, encore faut-il savoir en quoi elle l'est. "Quand une même personne détient cinq sociétés différentes dans autant de juridictions pour créer des montages financiers complexes, le temps de recherche et d’analyse pour comprendre les tenants et les aboutissants est exponentiel", raconte le quotidien du soir.
Autrement dit, le travail n'est pas fini. Chaque rédaction assure en avoir potentiellement pour des décennies de travail. Et les informations qui seront révélées tout au long de la semaine, comme l'a promis Le Monde, ne sont que le premier épisode de la série "Panama Papers".