Annoncée dans un torrent de controverses, l'application StopCovid, destinée à lutter contre le coronavirus grâce à un traçage de ses utilisateurs, n'a toujours pas vu le jour. Elle devait être l'objet d'un débat et d'un vote mardi, finalement repoussé. Et pour cause : ses concepteurs se heurtent à de nombreux obstacles techniques.
Le nom, à lui seul, posait déjà problème. "StopCovid", voilà qui était trop prometteur au goût de certains pour désigner l'application de "tracking" destinée à freiner l'épidémie de coronavirus en retrouvant les contacts d'une personne infectée grâce à la fonction Bluetooth des smartphones. Mais ce n'est pas l'enjeu principal. Critiqué également pour son manque de respect pour les données personnelles, ce projet se heurte à de très nombreux obstacles techniques. Au point que certains prédisent qu'il ne verra jamais le jour.
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Des obstacles techniques
En l'état actuel du développement de l'application, si l'utilisateur la lance mais fait autre chose avec son téléphone, comme consulter ses mails ou regarder une vidéo, "StopCovid" passe alors en arrière-plan...et ne fonctionne plus.
Pour qu'elle reste active, il faudrait l'aide de Google et d'Apple, qui gèrent respectivement Android et iOs, les deux systèmes d'exploitation les plus courants sur les smartphones. Mais les deux mastodontes américains ne sont prêts à donner un coup de pouce qu'à condition d'avoir complètement la main sur l'application. Ils ont d'ailleurs en tête de développer rapidement eux-mêmes le socle d'une application de traçage que les gouvernements pourraient personnaliser à leur guise.
La France veut se passer de Google et Apple
Impensable en France où, déjà, l'application présentée par le gouvernement comme "transparente, volontaire et anonyme" est suspectée de piller les données personnelles des utilisateurs. La Cnil, le gardien de la vie privée des Français, a d'ailleurs donné un feu vert de principe mais réclamé de revoir la copie gouvernementale une fois l'application réellement définie et construite. C'est aussi une question de souveraineté : Paris veut pouvoir faire ses propres choix techniques et architecturaux sans dépendre des géants américains.
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La solution serait donc "de passer par des objets connectés qui ne dépendent pas d'Android ou d'iOs", explique Aymeril Hoang, spécialiste du numérique et membre du Conseil scientifique. "Sauf que c'est plus complexe, plus coûteux, cela demande plus de temps..."
Une efficacité qui reste à prouver
Dernier problème : pour que cette application soit efficace, certains chercheurs estiment que 60% de la population doit l'utiliser. Ce qui s'annonce compliqué pour un dispositif qui n'existe pas encore et suscite déjà tant de controverses. Les craintes concernant les données personnelles ont poussé les députés à réclamer un débat, mais aussi un vote sur le tracking à l'Assemblée. Obtenu de haute lutte, celui-ci devait se tenir mardi. Il a finalement été repoussé pour faire la place au plan de déconfinement d'Edouard Philippe, mais aussi parce que StopCovid est loin d'être prête.
Sur la question du nom, en revanche, les solutions paraissent plus simple à trouver. L'application pourrait être rebaptisée "Alerte Covid" ou "Trace Covid"... si elle voit le jour.