Permis de conduire : on a testé un simulateur dans une auto-école

Chaque élève pourra désormais passer jusqu'à 10 heures sur un simulateur, dans les 20 heures obligatoires de formation à la conduite. © Thibauld Mathieu / EUROPE 1
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Thibauld Mathieu , modifié à

L'État a détaillé jeudi les dix mesures censées faire baisser le coût du permis de conduire. Parmi elles, la possibilité de s'exercer davantage sur les simulateurs. Mais l'expérience remplace-t-elle vraiment la pratique ? Notre journaliste a fait le test.

Un simulateur pour apprendre à conduire. Afin d'alléger une facture souvent élevée, le gouvernement mise sur la technologie. Chaque élève pourra désormais y passer jusqu'à 10 heures - contre 5 actuellement - dans les 20 heures obligatoires de formation. Mais quels sont réellement les bénéfices de la méthode ? Europe 1 a décidé de vérifier, en se rendant dans une auto-école du 15ème arrondissement de Paris.

Les mêmes équipements que dans une voiture

J'ai beau être titulaire du permis de conduire depuis plusieurs années, avoir tous mes points et prendre le volant assez régulièrement, remettre les pieds dans une auto-école fait resurgir quelques mauvais souvenirs. Dans ma jeunesse, j'avais en effet dû m'y reprendre à quatre fois pour décrocher le précieux sésame, et les premières heures de conduite avaient été quelque peu tumultueuses. Mais ce temps-là semble révolu. Tout devrait bien se passer…

Dans la salle du fond, la bête est là. Trois écrans d'ordinateur surgissent de l'obscurité pour faire face à un siège d'automobile. Tout y est : le volant et ses deux manettes, le levier de vitesse, le frein à main, les trois pédales et même la clé sur le contact… Il ne manque plus que les portières et l'auto-radio. Et encore, le logiciel employé ici n'est pas le plus sophistiqué… Certains utilisent désormais des casques à réalité virtuelle pour davantage d'immersion. Pour d'autres, le réalisme est tel que le siège vibre pendant la conduite.

Un bon outil pour faire ses premiers pas

Nous y voici. Après avoir précautionneusement attaché ma ceinture, je décide de débuter avec les fondamentaux. Au choix : connaître les principales commandes du véhicule, tenir et tourner le volant, démarrer et s'arrêter… C'est cette dernière option que je choisis, en optant même pour un démarrage en côte.

Guidé pas à pas par les instructions orales de la machine, je démarre le moteur… "Vous avez fait une erreur"… Tiens donc. "Passez la première vitesse… Vous avez fait une erreur". "Déverrouillez le frein de parcage sans le desserrer… Vous avez fait plus de deux erreurs, recommençons". Me voilà, en quelques secondes à peine, rappelé à mes mauvaises habitudes de conducteur. "C'est normal", me glisse l'instructeur présent derrière moi, d'un ton trahissant la compassion.

J'ai pour moi une excuse bien valable : les pédales n'offrent pas vraiment la même sensation qu'en voiture, tant en termes de freinage que d'accélération. Quant à l'embrayage, le point de patinage est simplement symbolisé par une petite jauge située sur le tableau de bord, visible à l'écran.

Il faut avouer que le dispositif s'adresse ici aux conducteurs novices. En cela, il leur permet tout à fait de se familiariser avec les bases de la pratique : avoir un volant dans les mains, contrôler les rétroviseurs, les angles morts, faire attention aux panneaux, aux interdictions. Autant de compétences acquises avant même de prendre la route pour de bon. De quoi atténuer le stress chez certains candidats.

Des sensations pas si réelles

Mais l'expérience ne s'arrête pas là. Après avoir réussi mon démarrage en côte, j'opte pour un autre mode, en ville cette fois, où les interactions avec les autres véhicules sont plus fréquentes. "Vous n'allez jamais y arriver", me souffle l'instructeur, dont la compassion a visiblement disparu. Il n'a finalement pas tort… Si le bruit du moteur est assez réaliste, le volant offre très peu de résistance et le logiciel ressemble davantage à un jeu vidéo qu'à un tour en agglomération. J'en oublie même de déclencher mon clignotant et d'adapter mon rapport de vitesse… On ne m'y reprendra pas.

Pour ce qui est des distances de sécurité, en revanche, c'est une autre affaire... D'autant que la sensation de vitesse est évidemment beaucoup plus difficile à évaluer qu'à l'accoutumée. Seul le paysage qui défile permet de s'en rendre compte. Devant moi, à la sortie d'un carrefour, le bus s'arrête brusquement sur le bas-côté. C'est l'accident. Mon tout premier dans ma vie de conducteur. Heureusement, le simulateur permet de revenir sur une situation pour analyser les erreurs commises. Et de réessayer.

Une large palette de situations

L'application propose aussi une grande diversité de paramètres. Véhicule léger, utilitaire, 20m3… Outre le choix du véhicule, il est possible d'opter pour une conduite en ville, sur route ou sur autoroute, mais aussi de déterminer les conditions climatiques (beau temps, brouillard, pluie, neige, nuit…). Le simulateur permet également de créer toutes sortes de situations, du piéton qui déboule au scooter qui grille une priorité. Des circonstances qui ne se présentent pas forcément lors de la formation.

Pas échaudé par mon précédent accident, je choisis donc un exercice en ville, de nuit, sous la neige, avec un piéton sur le point de traverser. C'est parti : première intersection, rien. Deuxième, troisième, rien non plus. À la quatrième, un camion mal garé me gêne la vue. C'est le moment que choisit une femme pour s'engager avec sa poussette sur le passage piéton… Et là, c'est le drame.

La sentence est indéniable, et l'ordinateur est là pour me le rappeler. Chaque erreur est en effet consignée, de la mauvaise gestion des feux à l'accident, en passant par l'excès de vitesse, le non-respect des distances de sécurité, la mauvaise position sur la chaussée, le refus de priorité…

Traumatisé, c'est à pied que je repars de l'auto-école, pressé de me rassurer sur mon niveau de conduite. Cette expérience me l'a appris : un simulateur ne remplacera jamais une voiture.