Le tilde et l’apostrophe n’ont pas eu voix au chapitre de l’état civil de Rennes. Le petit "Fañch", né le 11 mai dernier à Rosporden dans le Finistère, n'a finalement pas le droit de porter le "ñ" et devra donc s'appeler Fanch. Même refus pour Derc’hen, né en août dernier à Rennes, qui devra se prénommer Derchen. Cette semaine, la maire PS de la ville, a annoncé qu’elle comptait défendre les prénoms bretons en demandant la modification d’une circulaire de 2014.
Que dit la loi sur les prénoms ? Le principe de liberté de choix de prénom est consacré par la loi du 8 janvier 1993. La circulaire du 23 juillet 2014 va dans le même sens. Elle dispose que "les parents peuvent choisir les prénoms de leurs enfants, pouvant à cet égard faire usage d’une orthographe non traditionnelle". La circulaire pose tout de même deux conditions importantes : 1/ seul l'alphabet romain peut être utilisé 2/ les seuls signes diacritiques admis sont les points, tréma, accents et cédilles.
Cette circulaire précise même les cas de figure possibles où les signes diacritiques sont autorisés. Voici la liste des lettres avec ces fameux signes autorisés : à- â - ä- é - è - ê - ë - ï - î - ô -ö - ù - û - ü- ÿ-ç. On remarque que la cédille est acceptée, à l’inverse de l’apostrophe. Quand un prénom est refusé par la justice, comme Fañch et Derc’hen, le juge peut demander aux parents de lui en soumettre un nouveau. En cas de refus, le juge peut lui-même en attribuer un autre.
" Le prénom Derc’hen a déjà été validé x fois par l’état civil quand il n’y avait pas encore la circulaire. "
Le prénom ne peut aller contre l’intérêt de l’enfant. Une autre règle est à prendre en compte pour le choix des enfants : les prénoms choisis ne doivent pas être "contraires à l’intérêt de l’enfant" (selon l’article 57 du Code Civil). "Si le juge estime que le prénom n'est pas conforme à l'intérêt de l'enfant […] il en ordonne la suppression sur les registres de l'état civil", explique cet article. En s’appuyant sur cette règle, les prénoms Titeuf, Nutella ou encore Fraise avaient été retoqués par le tribunal correctionnel de Valenciennes en 2015.
La circulaire de 2014 complique-t-elle les choses ? Si la justice laisse une grande liberté aux parents sur le choix des prénoms – "des noms de vocabulaire (Cristal) et des noms propres (Kléber, Vallès…)" ont été acceptés comme l’explique Judge Marie, un juge des enfants dans un post de blog – la circulaire de 2014 semble plus *tatillonne*.
Ainsi, Fabrice Cadou, membre de l’association Skoazell Vreizh ("Secours breton"), qui soutient les familles des petits Fañch et Derc’hen dénonce "une hypocrisie de l’administration" dans les colonnes de 20 minutes. "Le prénom Derc’hen a déjà été validé x fois par l’état civil quand il n’y avait pas encore la circulaire. D’autres prénoms comme Goulc’han, Melc’han ou Berc’hed existent et ont donc été validés à Rennes. Tout comme des prénoms à consonance d’Afrique de l’Ouest utilisant le n'… Comment se fait-il que dans certains services de municipalité, cette circulaire de 2014 ne soit pas appliquée ?"
Il y aurait donc des décisions différentes selon les services de municipalité. Logique puisqu’il appartient à l’officier de l’état civil de signaler au procureur de la République tout prénom qui contreviendrait aux règles précédemment expliquées. L’appréciation est humaine et donc imparfaite.