Le calendrier de la réforme du code du Travail s'accélère. Lundi, l'Assemblée examine le projet de loi d'habilitation, qui devrait permettre au gouvernement d'agir dès l'été, en légiférant par ordonnances. En parallèle, la concertation se poursuit entre l'exécutif et les partenaires sociaux sur les principales mesures du texte. Les parties doivent désormais évoquer l'instauration de plafonds aux prud'hommes, l'un des aspects les plus controversés de la réforme.
- Que prévoit exactement la mesure ?
Incluse dans le programme d'Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle, elle prévoit la fixation d'un barème des indemnités versées au titre des dommages et intérêts - en plus des indemnités légales, donc - en cas de licenciement abusif, c'est-à-dire sans cause légale et sérieuse. Ce barème devrait être déterminé au cours de la concertation, "en fonction notamment de l'ancienneté", et ne concernerait pas les licenciements entachés par "une faute de l'employeur d'une particulière gravité".
Principal argument avancé par l'exécutif pour justifier cette mesure : le caractère imprévisible du montant de ces indemnités, qui peuvent varier "du simple au triple" dans des affaires comparables, selon Le Figaro. "L'idée c'est que l'employeur ne soit plus condamné à payer un montant dont il ne pouvait pas déterminer le plafond à l'avance", explique l'avocat Eric Rocheblave, spécialiste du droit du travail, interrogé par Europe1.fr.
- Pourquoi est-elle critiquée ?
"La mesure est considérée comme un permis de licencier abusivement", analyse Eric Rocheblave. "Si une entreprise provisionne le plafond des indemnités versées au titre des dommages et intérêts avant d'embaucher en CDI, plus rien ne la dissuadera de licencier un salarié sans cause valable plutôt que d'opter pour une rupture conventionnelle, par exemple." Pour cette raison, ce plafonnement "concentre toutes (les) inquiétudes" des élus "Nouvelle Gauche" selon la députée Ericka Bareigts. Les syndicats réclament, eux, que le juge puisse déroger au référentiel obligatoire.
Les détracteurs du projet soulignent en outre que le ministère n'a fourni aucune statistique sur le caractère "généreux" des indemnités, qui justifierait leur plafonnement. "Aux prud'hommes, il y a une première juridiction, puis une possibilité d'appel et de recours en cassation, bref tout un système de contre-pouvoirs, justement destiné à éviter les décisions abusives", souligne Eric Rocheblave.
- Est-elle inédite ?
Non. Le sujet a déjà émergé en 2015 avec la loi Macron, qui prévoyait un barème basé sur l'ancienneté du salarié et la taille de son entreprise. Mais la mesure avait été censurée par le Conseil constitutionnel, qui avait estimé que le deuxième critère était sans lien avec le préjudice subi par l'employé.
Depuis, la loi El Khomri a mis en place un référentiel "indicatif" mais non contraignant en la matière, uniquement en fonction de l'ancienneté. Ce dernier plafonne les indemnités à 21,5 mois de salaire, avec une majoration en cas de rupture du contrat d'un employé de plus 50 ans. "Mais dans les faits, la majorité des juges a choisi de ne pas en tenir compte", assure Eric Rocheblave.