Depuis mardi, une cinquième plainte pour non-dénonciation d'agressions sexuelles commises par des prêtres vise le cardinal Barbarin, responsable de l'évêché de Lyon. Un nouvel élément dans le scandale de pédophilie autour du diocèse, qui comporte désormais plusieurs volets judiciaires.
- Une première enquête ouverte fin 2015
A l'origine du scandale, une dizaine de victimes, rassemblées au sein de l'association "La parole libérée". Ces trentenaires et quadragénaires affirment avoir été victimes d'agressions sexuelles de la part d'un prêtre, le père Preynat, alors qu'ils étaient jeunes scouts à Sainte-Foy-lès-Lyon, une banlieue résidentielle de Lyon, entre 1970 et 1990.
A l'époque, leurs parents avaient alerté le diocèse, menaçant de tout raconter à la justice. Le prêtre avait alors été écarté, mais pas renvoyé. Fin 2015, il était toujours doyen d'une paroisse dans le Roannais.
C'est à cette date et en apprenant que le père Preynat officiait toujours que les victimes ont décidé de créer leur association et de porter plainte, pour la première fois.
- Mise en examen du père Preynat
En garde à vue, le prêtre reconnaît les faits. Il est mis en examen le 27 janvier, pour des agressions sexuelles sur quatre victimes entre 1986 et 1991, les autres faits étant prescrits. Il est également placé sous le statut de "témoin assisté" pour des viols avoués en garde à vue.
La défense du père Bernard Preynat saisit alors le juge d'instruction, arguant qu'à l'époque des cas retenus par la justice, le délai de prescription était de trois ans pour les faits d'agressions sexuelles sur mineurs.
Mais la législation a été modifiée depuis pour rallonger ce délai : elle permet aujourd'hui aux victimes d'agir en justice jusqu'à l'âge de 38 ans. Le juge donne donc raison aux parties civiles, permettant la poursuite de la procédure.
- Un deuxième volet pour "non-dénonciation"
Parallèlement à ce dossier, une enquête est alors ouverte par le parquet de Lyon pour des faits de "non-dénonciation de crime et "mise en danger de la vie d'autrui". C'est dans ce volet, dans lequel quatre victimes du père Preynat ont porté plainte, qu'est impliqué le cardinal Philippe Barbarin, aux côtés d'autres responsables du diocèse.
Pour l'association "La Parole libérée", c'est "l'omerta" dont aurait bénéficié le prêtre pendant des décennies qui constitue le véritable scandale de ce dossier. Selon son avocat, Me Frédéric Doyez, le père Bernard Preynat, a en effet déclaré devant le juge "que les faits étaient connus par les autorités ecclésiastiques depuis 1991".
Dans un entretien au quotidien La Croix, Philippe Barbarin déclare avoir été averti de ces faits en 2007-2008. "Une personne qui avait grandi à Sainte-Foy-lès-Lyon m'a parlé des comportements du Père Preynat, vers 2007-2008." Le cardinal assure avoir pris rendez-vous avec le prêtre, qui aurait nié les faits.
- Un nouveau prêtre accusé
Mi-mars, Nouveau rebondissement. Dans une lettre au parquet ayant valeur de plainte, un homme qui se présente sous le prénom de Pierre affirme avoir été victime d'actes pédophiles de la part d'un abbé du diocèse de Lyon, au début des années 1990.
La victime dit avoir alerté Mgr Barbarin en 2009, sans que le prêtre ne soit renvoyé. L'abbé en question, Jérôme Billioud, ne sera suspendu que lorsque la lettre sera rendue publique, le 15 mars.
Selon des informations du Parisien, cette nouvelle victime a également porté plainte pour "non-dénonciation de crime", mardi, portant à cinq le nombre de plaignants. Sa requête vise Mgr Barbarin mais aussi "toute personne n'ayant pas pris les mesures nécessaires vis à vis de Jérôme Billioud".
- Des perquisitions dans les locaux de l'évêché
Mercredi, les locaux de l'évêché de Lyon sont perquisitionnés dans le cadre du deuxième volet de l'enquête. Le diocèse confirme dans un communiqué avoir remis aux enquêteurs "les éléments dont la justice souhaitait disposer pour faire la lumière sur ces événements douloureux". "Le cardinal Philippe Barbarin a exprimé à de nombreuses reprises sa volonté de coopérer en toute transparence avec la justice: il se tient à sa disposition avec confiance", ajoute le communiqué.
Assurant n'avoir "jamais, jamais, jamais" couvert le moindre acte pédophile, Mgr Barbarin exclut de démissionner. Le responsable a cependant demandé "personnellement pardon" aux victimes lors d'une messe de Pâques, le week-end dernier.