Plus de femmes, d'enfants et de seniors : qui sont les nouveaux réfugiés afghans ?

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Sonia Mabrouk , modifié à
Didier Leschi, directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, était mercredi matin l'invité de Sonia Mabrouk. En première ligne dans la gestion de l'accueil des réfugiés afghans qui fuient les talibans, il nous dit tout sur le profil des réfugiés et les conditions de leur accueil.
INTERVIEW

C'est un invité rare et précieux : Didier Leschi, directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, était mercredi matin l'invité de Sonia Mabrouk. Alors que les exfiltrations d'Afghans jugés à risque dans leur propre pays battent leur plein avant la date butoir du 31 août, il est en première ligne dans la gestion de l'accueil des réfugiés sur le sol français. Qui sont ces réfugiés ? Comment les accueillir, les intégrer ? Que pensent-il de l'accueil en France d'un homme proche des talibans ? Il répond aux questions de Sonia Mabrouk.

Selon nos informations, ce proche des talibans serait en réalité une sorte de repenti qui a fait défection aux talibans pour aider les Français. Tout cela aurait été peut être "dealé" avec le renseignement. Je ne sais pas si vous avez des informations en ce sens...

Je ne suis pas un spécialiste de ces questions. Ça dépasse mon domaine de compétence. Simplement, tout cela souligne qu'il y a une extrême vigilance des services de sécurité, à la fois au départ de Kaboul, puis à l'arrivée, en particulier en France, où les services de la police aux frontières, avec les services spécialisés, sont là pour accueillir les personnes et bien vérifier qui elles sont.

Les renseignements vérifient cela. Mais vous également, vous êtes présents justement lors de ces arrivées, notamment à l'aéroport de Roissy. Est ce que vous pouvez nous raconter votre nuit ?

Actuellement, on a 240 personnes qui sont arrivées un peu avant 3h du matin. Elles sont accueillies par des interprètes qui sont mobilisés par l'Office, par les personnels de santé de l'Agence régionale de santé, par le délégué interministériel à l'accueil et l'intégration des réfugiés, par la préfète qui est en charge des aéroports... Il y a tout un protocole sanitaire. On va les tester. On les teste actuellement. Et puis, il y a cette vérification d'identité, la délivrance d'un premier visa. Et puis, pour ceux ceux qui sont arrivés là, précisément parce que nous n'avons plus suffisamment de places en Ile-de-France, il y a l'organisation de départs vers des régions françaises où on a mobilisé des places d'accueil. Après, elles poursuivent leur parcours d'intégration : on va leur proposer les agents de l'Office pour leur présenter les démarches.

Ce sont des familles qui sont arrivées avec des enfants. Mais prenez l'exemple de cet individu (proche des talibans). Est ce qu'il a pu en rencontrer ? Il a rencontré à l'hôtel d'autres familles afghanes... Cela a dû faire un choc pour ces familles... 

Comme toutes les personnes qui sont arrivées, bien évidemment, il lui a été proposé un hébergement. Et ces hébergements sont effectivement dans des hôtels de quarantaine où les personnes sont tenues de rester dix jours. Donc, il était avec les autres personnes. Ces personnes ne sont pas au "parfum" (du profil de cet individu, de s'il a, ou non, collaboré avec la France pour aider à l'évacuation NDLR). On peut comprendre le choc puisque ce n'est pas très compréhensible que quelqu'un qui, par ailleurs, a pu avoir des comportements violents vis à vis d'autres Afghans, se retrouve d'un coup dans un transport qui est un transport pour protéger les gens jusqu'en France. Il a depuis été éloigné des autres familles. 

Qu'est ce qui nous interdit de l'expulser aujourd'hui ?

Ecoutez d'abord, il faut bien vérifier. Quels sont les faits répréhensibles qu'on peut lui reprocher ? Est ce que ces faits relèvent du droit français ou pas ? C'est une procédure juridique qui sera forcément longue. Dès lors que des choses qui peuvent lui être reprochées. 

Mais le droit à la protection des Français n'est il pas au moins aussi important que le droit d'asile et tout ?

Il faut avoir une extrême vigilance. Il faut se souvenir de ce qui s'est passé en 2015 / 2016. Les Allemands ont été confrontés à cela : l'arrivée, en même temps, de vrais réfugiés syriens, de personnes qui avaient des faux passeports syriens ou de personnes qui ont profité du chaos migratoire pour venir jusqu'ici faire des attentats. C'est pour ça qu'il y a une extrême vigilance. Il ne suffit pas de dire que quelqu'un est afghan pour dire qu'il est en besoin de protection et donc il faut vérifier. C'est ce qui est fait à l'aéroport de Roissy.

Certains disent aussi : est ce que c'est la faute de notre droit ? Est ce que ces extrémistes profitent de nos failles ? 

Nous sommes une société démocratique. Nous sommes une société accueillante. La France en particulier. Et donc, il faut à la fois maintenir ce caractère accueillant et en même temps, il ne faut pas être angélique et c'est pour cela qu'il faut que le débat public ne rentre pas dans une sorte de déraison, de grand dérangement, comme je l'avais écrit récemment.

Vous êtes quasiment toutes les nuits à l'aéroport, à l'aéroport de Roissy. Exemple hier : qui est arrivé concrètement ? Est ce qu'il y a des familles ? Est ce qu'il y a des enfants et des femmes qui arrivent ?

Il y a les équipes qui sont mobilisées, un accueil en particulier de familles. On a accueilli, depuis que ces vols sont organisés, à peu près 1.800 personnes sur dix vols. Un peu plus de 1.650 Afghans, un tiers de familles. C'est très mixte, contrairement à la demande d'asile qu'on avait précédemment, qui était composée à 90% d'hommes. Aujourd'hui, c'est 90% de familles et surtout un équilibre hommes femmes et une moyenne d'âge beaucoup plus élevée. Auparavant, on avait par exemple, depuis le 1er janvier de cette année, 7.000 Afghans qui avaient déposé une demande d'asile en France. La moyenne d'âge, c'était 27 ans et c'était 90% d'hommes.

Ça veut dire que ce n'est pas exactement la même demande d'asile. On avait des hommes dont on n'est pas sûr, du reste, qu'ils partaient tous d'Afghanistan. Puisque je rappelle qu'il y a une diaspora afghane qui est en Iran, en Turquie, au Pakistan et donc il faut voir l'équilibre entre ceux qui avaient vraiment besoin de protection parce qu'ils voulaient fuir des talibans et ceux qui pouvaient avoir un parcours de migration pour des raisons économiques.

Il y a une date butoir 31 août qui est maintenue. Maintenant, ça veut dire que c'est une course contre la montre ?

C'est une course contre la montre pour notre ambassadeur à Kaboul et ses équipes qui font un travail, il faut le souligner, remarquables. Qui vont organiser encore, sans doute peut-être deux ou trois vols. Et après, bien évidemment, dès lors que les soldats américains ne sont plus là, la France, comme l'ensemble des pays européens, ne peut pas garantir la sécurité de ses personnels sur la base aéroportuaire de Kaboul.

Retrouvez l'intégralité de l'entretien dans la vidéo ci-dessous ou en ouverture de cette article :