Comme pas mal de monde, Florent a découvert le porno à l’adolescence, au début un peu par erreur. Et ensuite clairement parce qu’il aimait ça. Puis Florent est resté bloqué. A l’âge de 25 ans, le jeune homme est capable de se lever en pleine nuit pour visionner des films X. Jusqu’au jour où il a un déclic. Il transforme sa honte et son dégoût en force le poussant à arrêter net. C’est pour tous ceux qui n’ont pas eu ce sursaut que Florent Badon a écrit son livre, Avant j’étais dépendant au porno, paru le 16 septembre. L’occasion de revenir sur une obsession, voire une addiction, qui concerne de plus en plus de monde, homme comme femme.
"C’est toujours très progressif". Avant d’être une obsession, regarder du porno est une pratique devenue presque banale, désormais assumée par la jeune génération. Mais pour certains, un glissement s’opère et il n’est plus possible de s’en passer. “Il n’y a pas de moment précis où l’on bascule, c’est toujours très progressif, et c’est ça le piège, quand on s’en rend compte, c’est trop tard”, se souvient Florent Badou, ingénieur d’une trentaine d’années. Avec du recul, celui-ci, estime qu’il est donc nécessaire de s’interroger sur sa consommation de porno. “Quand on en regarde tous les jours, il faut se poser la question sur son rapport au porno, son attachement”, estime-t-il.
"Une envie irrépressible de consommer des vidéos". Le psychiatre Laurent Karila, porte-parole de SOS Addictions, a listé une série de comportements permettant de tirer la sonnette d’alarme. Il propose également un questionnaire à ses patients pour mieux appréhender leur stade d’addiction. “On peut dire qu’une personne est addict lorsque sa consommation de porno est répétée depuis au moins un an et qu’elle entraîne une perte de contrôle. C’est-à-dire une envie irrépressible de consommer des vidéos, une poursuite de ce comportement, malgré les répercussions négatives”, détaille le porte-parole de SOS Addictions, qui accueille en moyenne 300 patients en deux ans.
"Connectés plus de 70 heures à des vidéos pornos". Des patients pour qui le porno rythme tout leur quotidien. “J’ai rencontré des hommes qui étaient restés connectés plus de 70 heures à des vidéos pornos en streaming, sans jamais éjaculer, en restant dans une quête effrénée de l’image la plus excitante. D’autres écourtaient leurs réunions de travail pour se masturber, certains le faisaient dans leur bureau, sans prendre la peine de le fermer”, raconte le psychiatre.
Un comportement qui plonge les addicts au porno dans une forme de honte. C’est d’ailleurs tout l’objet du film Shame, qui met en lumière la solitude d’un homme aux désirs toujours insatisfaits. Car, au delà des répercussions sur la vie professionnelle, une telle addiction a d’abord des conséquences désastreuses sur la vie sentimentale des personnes qui en souffrent et de leur entourage.
Plus attiré par les vidéos que par son conjoint. “Il peut y avoir des problèmes dans la sexualité de couple, le partenaire est masqué par les images du porno. Il peut avoir une volonté de tout le temps faire l’amour pour se libérer de ses pulsions ou, à l’inverse, une apparente frilosité, car la personne addict est plus attirée parce qu’elle voit à l’écran”, résume Florent Badou.
Cette attitude plonge les addicts dans une position ambivalente : partagés entre la honte envers eux même et l’impossibilité d’arrêter. “On perd le contrôle de soi, on a honte, on est difficile à vivre, on devient irascible. Ca entraîne un vrai désespoir, une perte de confiance en soi. On ne voit plus que ça et on s’isole”, détaille Florent Badou.
Être épaulé par des proches. Jusqu’au jour du déclic. Chez Florent, cela s’est fait “naturellement”, il a commencé le sport, une nouvelle alimentation. Et à réaliser qu’il pensait d’un coup moins au porno. Mais le jeune homme ne néglige pas l'importance d’être “surveillé” par une tierce personne. “Pour s’en sortir, il faut en parler à quelqu’un pour être soutenu. Il faut instaurer des filtrages web pour s’empêcher d’aller sur les sites, on peut aussi adopter une meilleure hygiène de vie et ne pas hésiter à en discuter”, conseille Florent qui assure avoir aujourd’hui totalement arrêté le porno.
Ne pas diaboliser le porno. Le psychiatre Laurent Karila, lui, ne défend pas une abstinence totale. “Nous ne recommandons pas l’abstinence sexuelle. On travaille plutôt sur des formes de thérapies comportementales, qui consistent à réapprendre à retrouver du plaisir comme avant, à apprendre à gérer et assumer ses envies et ses manques. Car l’idée n’est pas de diaboliser le porno, mais de trouver un juste équilibre, pour un jour “ne plus imaginer nues toutes les femmes que l’on croise dans la rue”.