Pourquoi le confinement "a contribué à tendre les relations entre parents et enfants"

Qui a eu cette idée folle, un jour, d'inventer l'école… à la maison ? Depuis le début du confinement imposé à la population française pour lutter contre l'épidémie de coronavirus, le 17 mars, la grande majorité des parents et leurs enfants passent leur journée sous le même toit. Conséquence logique : l'environnement scolaire et les rôles sociaux se sont transformés. Selon le sociologue François de Singly, invité de C'est arrivé demain sur Europe 1, cela a véritablement bouleversé l'écosystème familial.

Le ministère "a imposé l'école à la maison"

D'après le professeur, cette nouvelle donne a d'abord émergé très rapidement : "Dès les premiers jours, j'ai été frappé par l'arrivée de plein de vidéos humoristiques qui portaient sur le fait de l'école, et assez peu sur autre chose", raconte l'auteur de Libres ensemble. L'individualisme dans la vie commune au micro de François Clauss.

"Et tout d'un coup, au nom de la continuité pédagogique, le ministère (de l'Éducation nationale, ndlr) a imposé le fait que l'école soit à la maison", poursuit François de Singly. "Sans le savoir, il a contribué à tendre les relations entre les parents et les enfants. D'un seul coup, ces parents, devenus des professeurs, ont assumé des tâches d'autorité pour imposer de manière beaucoup plus dure des horaires, des dictées et des problèmes, des choses faites en temps normal par les enseignants. C'est totalement bousculer les nouveaux rôles parentaux de la mère et du père."

Une configuration repensée ?

"Depuis 1968, schématiquement, le couple école-famille fonctionne, moyennement, sur un mode de délégation", rappelle le professeur de sociologie à l'Université Paris-Descartes. "Les parents ne veulent pas avoir trop de liens d'autorité avec les enfants, et c'est l'école qui assure principalement cette fonction de la transmission du savoir, qui ne peut se faire que dans un rapport d'autorité." D'un autre côté, la famille "a été dépossédée de cette fonction d'autorité" au siècle dernier. Et donc aujourd'hui, "la définition de la famille idéale, c'est la famille cool, avec laquelle on passe de bons moments", raconte François de Singly.

Reste à savoir si cette nouvelle configuration engendrée par le confinement va modifier cette répartition habituelle des tâches, au-delà du 11 mai. "Non", répond catégoriquement le sociologue. "Il n'y a pas eu de reconversion en disant que ce mode-là était formidable, et les Français ne sont pas nostalgiques de ces années-là. Justement, cette délégation des tâches, on a vu ce que c'était, et qu'on ne le voulait pas."