Une semaine après la reprise des cours, les enseignants haussent déjà le ton. L'intersyndicale constituée du Snes-FSU, premier syndicat du secondaire, du Snep-FSU (enseignement professionnel), de FO, de la CGT, de Sud et du Sundep (privé) appelle jeudi à une grève contre la réforme du collège et les conditions de rentrée. Une manifestation est prévue à Paris au départ de la place de la Sorbonne. "On fait un pari. Une grève de rentrée, c'est un acte fort, dès le début de l'année, on pose le conflit", expliquait une semaine avant la reprise des cours Benoît Teste, secrétaire général adjoint du Snes, disant espérer "une grève qui peut être majoritaire". Quelles sont les raisons qui poussent les enseignants à "cet acte fort" ? Explications.
La réforme du collège ne passe toujours pas. Najat Vallaud-Belkacem avait promis une "rentrée apaisée". Selon la ministre de l'Education, seuls 5 à 10% des établissements rechignent encore à mettre en place la réforme du collège. Elle est pourtant la première cible de la grève de jeudi.
Outre la diminution globale des horaires de cours de latin et la suppression des classes bi-langues, la réforme prévoit, notamment, la mise en place "d'Enseignements pratiques interdisciplinaires" (EPI). Elle impose également aux établissements de prévoir des heures chaque semaine pour l'accompagnement scolaire des élèves. Elle fixe, enfin, à 26 heures hebdomadaires la durée des enseignements "classiques" et communs à tous (4,5 heures pour les maths et autant pour le français par exemple).
Or, auparavant, aucune durée n'était vraiment fixée. Selon le gouvernement, les enseignements obligatoires bénéficiaient déjà de 26 heures par semaine avant la réforme, et celle-ci ne diminue pas leur volume horaire. Mais pour les opposants à la réforme, ces 26 heures n'étaient qu'une durée plancher, souvent dépassée par les enseignants pour boucler le programme. En clair, selon les opposants, la mise en place des EPI et des heures d'accompagnement vient grignoter du temps de cours aux enseignements obligatoires communs.
"Le gouvernement a imposé une réforme 'systémique' contre l’avis des enseignants de second degré, déstabilisant à peu près toutes les composantes de nos métiers en même temps", dénonce le Snes dans sa revue hebdomadaire. "Tout ceci relève de la supercherie et permet assurément de rompre le commun en laissant les choix se faire toujours plus au local, rectorat par rectorat, établissement par établissement", poursuit le syndicat, craignant que les établissements et les enseignants entrent en "concurrence" les uns avec les autres, au détriment de l'égalité devant l'éducation.
" L’inquiétude est grande pour de nombreux collègues "
Les nouveaux programmes, "un travail de titan". Les collégiens ne sont pas les seuls à voir leurs programmes bouleversés. Du CP à la troisième, les programmes sont modifiés à partir de cette rentrée. Premier changement de taille : les évaluations se feront désormais sur des cycles de trois ans. Nouveaux exercices de lectures et d'écritures, nouvelles méthodes d'apprentissages du calcul mental, introduction de cours d'informatique dans le cursus, apprentissage d'une LV1 dès le CP, modification des programmes de SVT… Les changements se font à tous les niveaux et viennent s'ajouter à la préparation des "EPI" au collège. Selon les futurs grévistes, cela fait beaucoup d'un coup.
"Le travail de titan que représentent l’appropriation et la mise en œuvre des nouveaux programmes sur les quatre niveaux à la rentrée constitue en soi une raison de faire grève le 8 septembre. Pour le SNES-FSU, l’imposition de ce calendrier reste inacceptable", résume le syndicat. Qui s'explique : "l’inquiétude est grande pour de nombreux collègues qui vont découvrir à la rentrée les niveaux qu’ils devront prendre en charge. […]Certains programmes sont très mal définis en termes d’attendus. […]Quant aux documents d’accompagnement, ils sont très inégaux suivant les disciplines, réinterprètent parfois les programmes, ce qui crée de la confusion".
" C'est de l'affichage "
Une rentrée aux conditions "dégradés". Le nombre d'élèves du second degré aurait augmenté de 53.000 en 2016 (43.000 rien que pour le lycée), selon les dernières prévisions du gouvernement (il est resté à peu près stable en primaire). En parallèle, les effectifs d'enseignants ont augmenté de 2.804 dans le secondaire, et 3.835 en primaire. Un renfort jugé largement insuffisant par les grévistes, qui jugent les classes bien trop chargées.
"Le ministère n’a toujours pas fait savoir quelle part de ces moyens a été prévue pour le collège et quelle part pour accueillir les lycéens supplémentaires. […]La rentrée s’annonce particulièrement difficile tant pour les conditions d’études des élèves que pour les conditions de travail des personnels", insiste le Snes.
Une grève suivie ? Reste à savoir si ces raisons suffiront à faire descendre les enseignants dans la rue, alors qu'ils viennent tout juste de découvrir leurs nouveaux élèves. Interrogée mardi par l'AFP, Frédérique Rolet, secrétaire générale du syndicat, semblait plus prudente: "Honnêtement, le taux de grévistes, je ne sais pas", a-t-elle simplement indiqué.
"Que des collègues doutent et se posent des questions, c'est légitime", mais l'appel à la grève, "c'est de l'affichage", estime pour sa part Christian Chevalier, secrétaire général du SE-Unsa, qui ne participe pas à la grève. Il ne s'attend pas à une grande mobilisation jeudi et pense même que "la majorité" des enseignants "entreront dans le dispositif" de la réforme du collège.