C'était il y a 25 ans, mais Olivier Savignac n'a rien oublié. En juillet 1993, lors d'un camp de vacances organisé par le Mouvement eucharistique des jeunes, dans les Pyrénées-Atlantiques, l'Aveyronnais avait fait l'objet d'une fausse visite médicale, menée par l'abbé de Castelet. Il était alors âgé de 13 ans. "Ma jeunesse s'est arrêtée sur son lit", témoigne-t-il aujourd'hui sur Europe 1, alors que trois ans de prison, dont six mois avec sursis, ont été requis contre le prêtre, mardi devant le tribunal correctionnel d'Orléans. Cette histoire, Olivier de Savignac en parlera également samedi à Lourdes, devant la Conférence des évêques de France.
"J'y ai repensé tous les jours". "Ce prêtre, sous prétexte d'une visite médicale, m'a fait baisser le pantalon, m'a fait baisser le slip, s'est assis sur le lit alors que j'étais allongé, et a commencé ses palpations, a ausculté mes parties génitales... Ça a duré une minute 30", se souvient-il au micro de Bernard Poirette. "Le voir au-dessus de moi, qui devenait tout rouge, qui soufflait, a été quelque chose de très perturbant. J'ai repensé tous les jours à cet événement, et cela m'a aussi porté préjudice au niveau social, sexuel et affectif. Jusqu'à ce que je puisse me reconstruire, des années plus tard".
L'affaire mise en délibéré au 22 novembre. En 2008, Olivier Savignac avait ainsi adressé une lettre à l'évêché, dans laquelle il affirmait avoir été victime d'attouchements de la part de l'abbé. Mgr André Fort, alors en charge du diocèse d'Orléans, n'avait pas transmis la lettre à la justice et s'était contenté d'éloigner l'abbé de Castelet de tout contact avec les jeunes. Le procureur a requis un an ferme avec mandat d'arrêt contre l'évêque, âgé aujourd'hui de 83 ans et absent du procès pour raisons médicales. L’affaire a été mise en délibéré au 22 novembre.
À son procès, l'abbé de Castelet explique avoir été "demandeur d'affection" :
Une condamnation serait "hautement symbolique". "Je ne crois pas que la prison soit le moyen pour eux de l'éveil d'une conscience", affirme Olivier Savignac. "Mais je pense qu'une condamnation, même avec sursis, serait hautement symbolique. Cela signifierait qu'il y a une reconnaissance de notre statut de victime et de la gravité des faits qui leur sont reprochés".
Sa confiance en l'institution"entamée". Et à tous ceux qui remettent en cause cette gravité, le père de famille répond : "Ce que nous avons vécu (une dizaine de jeunes sont concernés dans cette affaire, ndlr), c'est un viol. C'est un viol de l'intimité d'un enfant, c'est un viol psychologique, au sens où cette personne, ce prêtre en qui nous avions mis toute notre confiance, est venue voler notre enfance et notre foi". Aujourd'hui, Olivier Savignac croit toujours en Dieu, mais souligne que sa "confiance en l'institution, en l'Église et en tous ses représentants a été entamée".
"Si l'Église ne fait rien, elle va tomber". Samedi après-midi, à Lourdes, en compagnie de six ou sept autres victimes, il va ainsi s'adresser à la haute hiérarchie catholique du pays, lors la Conférence des évêques de France (CEF), déterminé à "envoyer un message fort". Car "l'Église est face à un fléau d'une telle ampleur que si elle ne fait rien, c'est elle-même qui va se déconstruire petit à petit, qui va tomber."
Dans un bilan publié mardi, la Conférence des évêques évoquait le nombre de 129 clercs, sur les 15.000 prêtres et diacres présents en France, mis en cause par un témoignage, un signalement, ou une plainte. Et Olivier Savignac de penser à tous les autres, "tous ces prêtres, tous ces religieux qu'on taxe maintenant de sales pédophiles dans la rue ou quand ils font leur plein d'essence. Eux aussi sont en souffrance".