Le propriétaire d’un immeuble de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) a été condamné vendredi à cinq ans de prison, dont deux avec sursis. L'endroit était transformé depuis des années en maison close hébergeant des prostituées transgenres, vivant dans une extrême précarité.
Le tribunal de Bobigny a condamné vendredi à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, le propriétaire d’un immeuble de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis ), transformé depuis des années en maison close hébergeant des prostituées transgenres, vivant dans une extrême précarité. La justice a également ordonné la saisie de ce bien immobilier insalubre, situé aux portes de Paris. Judah Malka, 84 ans, a été condamné en outre à une amende de 200.000 euros et sa société civile immobilière à 55.000 euros.
Soumis à un mandat de dépôt différé, l'octogénaire a indiqué, par la voix de son avocat Philippe Benamou, qu'il allait faire appel de cette décision. "Cafards", "rats", "moisissure sur les murs" : au cours de la semaine, le procès a été l’occasion, pour une dizaine de locataires, de témoigner des conditions d'hébergement insalubres dans cet immeuble situé à quelques centaines de mètres du périphérique parisien. Selyma, qui se prostitue quotidiennement au Bois de Boulogne, a expliqué au tribunal n’avoir pas compris le contenu de son bail, ni les détails de son état des lieux : "Il y a des mots en français que je ne peux pas lire" a-t-elle soufflé.
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La "villa Biron", loin du glamour de son titre provenant du nom de la rue où elle se situe, était un immeuble à la fois décati et surpeuplé. L'enquête, ouverte en 2020, a révélé que douze des treize appartements qui la composent ont été aménagés en chambres de passe et en pièces de repos de 10 m² où s'entassaient jusqu'à neuf personnes sur des lits superposés. Autant de témoignages et de faits qui ont battu en brèche les affirmations du propriétaire de Judah Malka, propriétaire de l'immeuble depuis 1990. Celui-ci n’a eu de cesse de plaider qu’il refaisait tous les appartements "à neuf" à chaque nouveau bail, assurant également avoir été dépassé par l’emprise de la prostitution sur son bien immobilier.
Chaque mois, le vieil homme se déplaçait en personne à Saint-Ouen pour collecter entre 1.000 et 1.500 euros pour ses appartements insalubres, menaçant de déloger manu militari les éventuelles retardataires. Les revenus locatifs entre 2007 et 2022 ont été évalués à plus de 2 millions d'euros par les enquêteurs.
10 ou 20 euros la passe
Au troisième jour du procès, l’interrogatoire de Frida, 49 ans, avait cristallisé la difficile réalité sociale au cœur du dossier : la précarité des femmes transgenres immigrées, vendant leurs corps pour 10 ou 20 euros. Depuis son fauteuil roulant, celle qui se prostitue depuis son adolescence a sobrement évoqué "un accident sur son lieu de travail". En août 2022, elle a été violemment attaquée par un client, une agression qui l’a laissée tétraplégique.
Déclarée coupable de proxénétisme aggravé sur la période ayant précédé son hospitalisation, elle a été condamnée vendredi à trois ans de prison avec sursis. Quatre autres personnes étaient jugées cette semaine dans le cadre de ce dossier. Relaxées des chefs d'accusation de traite d'êtres humains et d'association de malfaiteurs, le tribunal les a reconnues coupables de proxénétisme et condamné à des peines allant d'un an avec sursis simple à trois ans de prison ferme assortis de deux années avec sursis probatoire.
Il leur a été reproché d'avoir apporté des repas aux prostituées, de les avoir amenées au bois de Boulogne ou d'avoir organisé des "juntas", des cagnottes communautaires qui se sont révélées être truquées. Deux femmes transgenres qui étaient encore en détention provisoire cette semaine n'ont pu être extraites de leur cellule en raison du mouvement social des agents pénitentiaires, après la mort mardi de deux d'entre eux dans un guet-apens à la sortie d'un péage dans l'Eure. L'une de ces prévenues a été libérée jeudi et placée sous contrôle judiciaire. Leur dossier a été disjoint et elles seront jugées le 18 juin.