"Elle est où la campagne qui s'emballe ? Elle est où la campagne en or massif ?" Devant le tribunal où il comparaît pour les dépenses excessives de sa campagne 2012,Nicolas Sarkozy s'est défendu avec véhémence de tout excès, assurant que cette campagne n'avait pas coûté plus cher que celle de 2007. En début d'après-midi, il est entré dans la salle d'audience, l'air grave, vêtu d'un costume et d'un masque noirs, d'une chemise blanche.
Depuis l'ouverture du procès le 20 mai, il n'avait assisté à aucune audience et se faisait représenter par son avocat Me Thierry Herzog. "Ce qui intéresse le tribunal, c'est comment la campagne a été organisée", commence la présidente Caroline Viguier. "Qui, comment, quoi ?"
"J'ai fait 40 ans de politique, c'est ma vie, les campagnes, je connais", répond Nicolas Sarkozy. "Je n'ai jamais vu une campagne, petite ou grande, qui n'accélère pas". "Ma campagne 2012 ressemble comme une sœur à ma campagne 2007". "Il n'y a pas eu d'emballement", martèle-t-il, "c'est une fable". La campagne était "dynamique", mais "nous faisions les mêmes villes, les mêmes salles que les autres candidats".
Comparution pour "financement illégal de campagne"
Après 10 minutes d'audience, le masque a glissé sous le nez, au fil de ses démonstrations emballées. Il les ponctue de grands gestes, se tournant tour à tour vers le tribunal et les représentants du parquet, ou prenant à témoin ses co-prévenus. Plusieurs fois, la présidente l'arrête. Il baisse d'un ton, "pardon Mme la présidente", avant de reprendre de plus belle, s'exprimant comme lors d'un meeting.
Contrairement à ses 13 co-prévenus qui l'écoutent, impassibles - anciens cadres de Bygmalion et de l'UMP, directeur de campagne, experts comptables -, Nicolas Sarkozy n'est pas jugé pour le système de double facturation imaginé pour masquer l'explosion des dépenses autorisées pendant sa campagne.
Il comparaît pour "financement illégal de campagne" uniquement, et encourt un an d'emprisonnement et 3.750 euros d'amende. Sur l'organisation de la quarantaine de meetings, il n'a donné "aucune" consigne, dit-il. Si, deux, se reprend-t-il. "Une bonne sono, je ne voulais pas me casser la voix, je ne suis pas Patrick Bruel. Et qu'à la télé, je n'ai pas l'air blafard".
"Je suis le président de la République"
Tout de même, dit la présidente, le "grandiose" meeting de Villepinte par exemple - coût estimé à 6 millions d'euros -, avait usé de vidéos à "360 degrés", d'une "scénographie exceptionnelle", "d'une scène sur mesure", voire "d'une musique spécialement créée pour l'événement". "Villepinte c'est un hangar, il y a une scène sur mesure sinon il n'y a pas de scène", balaie-t-il. Et la musique, "c'est un ami de Carla qui l'a faite, gratuitement".
La présidente veut savoir si on l'a tenu informé de l'évolution des dépenses. "Je suis président de la République", répète Nicolas Sarkozy à l'envie. "Soit je suis l'Elysée à faire mon travail de président, soit je suis sur les routes", pour les meetings. "Je n'ai pas de temps à consacrer à un point comptable. A partir du moment où ça fonctionne, et que tout le monde me disait que ça passait, je n'avais aucune raison de m'en préoccuper".
L'accusation estime que Nicolas Sarkozy a laissé filer les dépenses, malgré plusieurs alertes claires sur les risques de dépassement, et ainsi "incontestablement" bénéficié de la fraude, qui lui a permis de disposer de "moyens bien supérieurs" à ce qu'autorisait la loi : au moins 42,8 millions au total, soit près du double du plafond légal à l'époque.
"Cette campagne n'a pas couté ce qu'on dit"
Pendant le procès, trois anciens cadres de Bygmalion ont décrit comment l'UMP (devenue Les Républicains) leur avait demandé de mettre en place le système de fausses factures. Au parti, seul Jérôme Lavrilleux a reconnu l'existence de la fraude. Mais Nicolas Sarkozy ne croit pas à cette thèse. "Cette campagne n'a pas coûté ce qu'on dit", soutient-il.
"Il y a eu des fausses factures et des conventions fictives, c'est avéré", avance encore Nicolas Sarkozy. Mais "l'argent n'a pas été dans ma campagne, sinon ça se serait vu. On aurait dit : 'Sarkozy est devenu fou, il donne du caviar au public de ses meetings'", crie-t-il à nouveau. Repris par la présidente, il s'excuse encore. "Je suis devant un tribunal et je défends mon honneur avec passion. C'est pas un show, je sais".
Affirmant qu'il a fait le même nombre de meetings qu'en 2007, Nicolas Sarkozy lance que le crime profite à ceux qui ont gagné de l'argent, désignant ainsi sans les nommer les amis de Jean-François Coppé, les dirigeants de la société Bygmalion. Quant à jean-François Copé il conclue : "J'ai commis une faute en le mettant à la tête de l'UMP." Cette après-midi, les règlements de compte politiques ont franchi la porte du tribunal.