Procès de la chemise arrachée : comment les salariés d’Air France vont se défendre

Le DRH d'Air France, Pierre Plissonnier, tente d'échapper aux manifestants qui essaient de lui arracher sa chemise.
Le DRH d'Air France, Pierre Plissonnier, tente d'échapper aux manifestants qui essaient de lui arracher sa chemise. © KENZO TRIBOUILLARD / AFP
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Salomé Legrand , modifié à
Ils sont poursuivis vendredi par le tribunal de Bobigny pour des violences en marge du CCE d’Air France le 5 octobre dernier. Pour la défense, l’entreprise a tout fait pour que ça dégénère.
INFO EUROPE 1

Le procès dit de la "chemise arrachée" d’Air France s’ouvre vendredi devant le tribunal de Bobigny. Seize salariés (ou ex-salariés) d’Air France sont jugés pour les faits survenus en marge du Comité central d’Entreprise du 5 octobre 2015 - cinq le sont pour violences et 11 pour dégradations de la grille d’entrée du siège. Presque tous sont défendus par la même avocate, proche de la CGT, dont ils sont presque tous adhérents. L’un des objectifs de la défense est de montrer que c’est en fait Air France qui a tout fait pour que ça dégénère. Europe 1 a enquêté.

 

Mise à jour du vendredi 27 mai: à peine ouvert, le procès a été renvoyé par le tribunal correctionnel de Bobigny, suite à une demande de renvoi formulée par les avocats de la défense. Il se déroulera donc sur deux jours, les 27 et 28 septembre prochain. 

"Un climat de défiance propice à la confrontation". L’avocate va, au cas par cas, remettre en question le caractère volontaire de la violence reprochée à 14 des 16 salariés poursuivis, qui, eux, parlent d’une cohue générale, de bousculades. Mais de nouveaux documents, révélés par le site d'information Les Jours et qu’Europe 1 a pu se procurer, lui permettent d’adopter un autre angle d’attaque. En effet, dans une décision datée de janvier 2016, l’Inspection générale du Travail, appelée à se prononcer sur le licenciement d’un des salariés, délégué syndical, refuse cette sanction. Et soulève plusieurs points qui démontrent, selon elle, que la compagnie a "contribué à instaurer un climat de défiance propice à la confrontation". 

Un premier flou réside autour de la grille d’accès au parvis du siège. "Toujours ouverte", pour les syndicats qui avaient clairement exprimé leur volonté d’y faire arriver la manifestation, et fermée ce jour-là. Les Jours affirment même que "trois mois après les événements, Air France a fourni au ministère du Travail une version modifiée" du document d’autorisation de la manifestation.

Des caméras installées discrètement. Un deuxième point concerne l’installation par la direction de six nouvelles caméras de surveillance, discrètement, la veille du CCE sous haute-tension et sans jamais informer le CHSCT comme elle aurait dû le faire. Deux de ces caméras sont pointées spécifiquement sur la grille forcée par les manifestants. Leurs images ont servi à justifier les sanctions et licenciements.

" En l’absence d’images probantes, évidentes ce sera parole contre parole. "

Des vigiles privés. De surcroît, le document de l’Inspection du Travail souligne qu’Air France a embauché plusieurs vigiles, via deux entreprises privées. Or, écrit la fonctionnaire, leur "immixtion dans un conflit du travail à quelque moment et sous quelque forme que ce soit caractérise une violation des dispositions édictées aux articles L 612-4 et L617-1 du code de sécurité intérieure". Sur ce point, une plainte qu’Europe 1 a pu consulter a même été déposée. L’avocate est tentée de demander la jonction des dossiers mais cela voudrait dire repousser encore l’audience à début décembre. Un délai auquel les salariés ne sont pas forcément prêts, eux qui désirent avant tout "passer à autre chose".

Des identifications difficiles. Dernier point, soulevé par l’avocat des deux autres prévenus, et révélé dès octobre par Europe 1, lors de l’enquête les policiers eux-mêmes ont reconnu que "la densité et la mobilité de la foule rendent extrêmement complexe les identifications formelles". Concrètement ils ont dû regarder en boucle, durant plusieurs heures, les images diffusées sur les chaînes de télévisions pour finir par repérer avec certitude certains auteurs des faits. L’avocat résume : "En l’absence d’images probantes, évidentes ce sera parole contre parole".