Dans le box des accusés, ils n’ont pas eu un regard l’un pour l’autre. Elle, silhouette épaisse, tout de noir vêtu. Lui, le visage glabre et émacié, loin de l'image négligée qu'il avait donnée aux premiers jours de l'affaire. Trois ans qu’ils ne se sont pas parlés. Trois ans qu’ils se renvoient la responsabilité de la mort de la petite Fiona. Cécile Bourgeon, la mère de la fillette, et Berkane Makhlouf, son beau-père, comparaissent depuis ce lundi devant les assises du Puy-de-Dôme pour "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner", "non assistance à personne en danger" et "recel ou dissimulation de cadavre". Lundi, c'est Berkane Makhlouf qui a pris la parole et s'est défendu d'avoir porté les coups mortels.
"Pour moi, les enfants, c'est sacré". Dans cette affaire, de nombreuses questions restent en suspens : comment est morte la fillette ? Qui a eu l’idée de faire croire à son enlèvement ? Et surtout, où est dissimulé son corps ? Mais les premiers débats, consacrés à la personnalité de Berkane Makhlouf, ont confirmé que la vérité sera sans doute difficile à trouver : les deux accusés nient être à l’origine des coups mortels. "Comment ça se passait avec Fiona et Eva (sa petite soeur) ?" demande le président de la cour, Dominique Brault. "Pour moi, les enfants c'est sacré! Ça s'est toujours bien passé, j'ai jamais levé la main sur les enfants. J'ai des limites. J'ai beau être impulsif, parfois violent, je ne m'en suis jamais pris aux enfants", assure Makhlouf. Bruissement d'indignation dans la salle. Il reconnait bien "une fessée de temps en temps", mais pas les coups que lui prête son ex-compagne. Le matin même, il avait pourtant admis avoir porté des coups à Fiona, réfutant seulement les coups mortels.
A la maison, "la drogue était partout". S’il est peu prolixe sur l’affaire en elle-même, il répond volontiers à la cour sur les questions relatives à son enfance. Il raconte sa vie, marquée par la violence, l'absence du père, la drogue, l'échec scolaire et le traumatisme de la rue. Vers 20 ans, il se lance "dans le business" en vendant "du shit". C’est d’ailleurs lors d’un deal qu’il rencontre celle qui deviendra sa compagne. Avec Cécile, ils ont tout essayé: héroïne, champignons hallucinogènes, cocaïne, crack. Mais "on sniffait" juste, jamais d'injection, souligne-t-il. A la maison, "la drogue était partout, sur la table de la cuisine, dans la chambre. Les enfants voyaient faire. On était négligents", reconnaît Berkane Makhlouf, vêtu d'une chemise sous un pull gris. Parfois, ils emmenaient les fillettes dans le squat dans lequel ils avaient l’habitude d’aller pour ne pas les laisser seules à la maison. "Peut-être, si on n'avait pas consommé tout ça, on n'en serait pas là", lâche-t-il, une nouvelle fois sans émotion.