Depuis une semaine, le procès des parents de la petite Fiona ouvre plus de portes qu’il n’en ferme. Qu’est-il arrivé à la fillette dont le corps n’a jamais été retrouvé ? Puisqu’aucune autopsie n’est possible, la cour est suspendue aux versions des deux principaux accusés… qui ne cessent de varier et de se contredire. Après s’être mutuellement accusés d’avoir porté des coups mortels, la mère de Fiona, Cécile Bourgeon, et son beau-père, Berkane Makhlouf, avancent désormais la thèse d’un accident domestique : Fiona serait décédée après avoir ingéré de la drogue.
Tout au long de la première semaine d’audience, le couple ne l’a pas caché : ils consomment des drogues et des médicaments en quantité industrielle. Subutex, cocaïne, héroïne… Une toxicomanie qui les pousse régulièrement à consommer devant Fiona et sa petite sœur. Selon eux, la fillette aurait pu décéder en ingérant des produits trouvés dans l’appartement. "Cette hypothèse me semble improbable car ce type d'accident n'intervient que de façon exceptionnelle, sauf avec l'intervention d'un tiers", a déclaré par visio-conférence le docteur en toxiocologie, Yvan Gaillard. Selon lui, dans les milieux toxicomanes, les enfants portent parfois de la "drogue à la bouche". Mais l’héroïne et le subutex ont un goût très amer. Difficile d’imaginer, donc, que la fillette en ait avalé une quantité suffisante pour engager son pronostic vital. De sa carrière, il n’a jamais eu à examiner un cas comme cela.
L’expert a également battu en brèche l’argument des parents disant que ce cocktail de drogues les empêchait de se souvenir de l’endroit où ils avaient caché le corps. Selon lui, les drogues peuvent entraîner "une confusion spatio-temporelle", voire une "amnésie antérograde" - c'est-à-dire depuis le moment où les produits sont consommés – mais les accusés "conservent [dans leur esprit] une trace de l’endroit où il a été enterré." Par ailleurs, la version de l’enterrement avancé par les parents de Fiona est pleine d’incohérences. S’ils ont ingéré autant de drogues qu’ils le prétendent, "rouler 60 kilomètres" sans avoir d’accident lui semble "peu probable". "Le fait d'installer un enfant dans véhicule, creuser la terre, me semble requérir des fonctions motrices qui montrent que (...) le comportement n’était pas aussi altéré qu’on le laisse imaginer."
" Elle m’a donné l’impression d’une très grande froideur "
Un peu plus tôt dans la matinée, l’une des psychologues qui a expertisé le couple s’est montrée moins tranchée quant à cette amnésie. A la barre, elle a reconnu qu’elle ne savait pas si Cécile Bourgeon ment lorsqu’elle déclare ne plus se souvenir de l’endroit où elle a enterré le corps. Stratégie de défense ? Amnésie partielle ? "Je n’en sais rien. On est sur des hypothèses." En revanche, elle note que Cécile Bourgeon a décrit froidement la scène de l’enterrement. "Peut-être y a-t-il de l’affect mais elle le tient à distance." Cécile Bourgeon l’écoute, les yeux fermés, presque absente.
Le procès doit se terminer vendredi. Les deux accusés encourent 30 ans de réclusion.