"Madame Beining, je suis franc, je n'ai pas touché votre fils. Ni le petit Alexandre". Jamais depuis le début du procès il y a plus de trois semaines, Francis Heaulme n'aura autant parlé. Le "routard du crime" est jugé par les assises de la Moselle pour le double meurtre de Montigny-lès-Metz en septembre 1986. A la barre, interrogé par l'avocate de la mère d'une des victimes, l'accusé a une nouvelle fois répété qu'il n'avait pas tué les deux enfants.
- "Monsieur Heaulme", commence Me Dominique Boh-Petit, "Quand vous étiez libre, vous êtes allé souvent au cimetière de l'Est, sur la tombe de votre mère ?" "Tous les 15 jours". "Vous voyez, madame Beining c'est comme vous, depuis le 28 septembre 1986", continue l'avocate de la maman de Cyril, 8 ans, dont le corps et celui d'Alexandre Beckrich a été retrouvé ce jour-là en haut d'un talus de Montigny-lès-Metz. Tué à coups de pierre.
Puis de tisser pas à pas un lien entre sa cliente et l'accusé qui n'a, dit-il lui-même, "jamais fait le deuil" de sa mère, morte en 1984 d'un cancer. Quelques semaines à peine avant qu'il ne commence à tuer. "Vous l'avez entendue madame Beining vendredi ?", poursuit d'une voix douce Me Boh-Petit, "vous avez entendu comme elle pleurait ?" en témoignant, en racontant la courte vie de son fils, puis le jour de sa mort. "Oui", répond Heaulme, face à la cour. "Et vous avez pensé quoi ?" "Elle a pas fait son deuil", répond Heaulme.
Puis l'avocate, allant chercher chez Heaulme ce que le président de la cour n'est pas parvenu à avoir depuis le 25 avril - un mot qui ne soit pas simplement une dénégation du crime - lui demande si ces larmes l'ont touché. "Oui, beaucoup. J'ai de l'estime pour madame Beining, et je lui dirai". "Vous pouvez lui dire maintenant", tente Me Boh-Petit, qui a compris à quel point la parole de Heaulme était fragile, habituellement murée derrière un silence total. "Madame Beining, je suis franc, je n'ai pas touché votre fils. Ni le petit Alexandre". Heaulme s'est retourné. Face à cette petite dame blonde, dont la ténacité force l'admiration depuis des années, le "routard du crime" offre son visage si connu aux bancs du public. Et quitte, pour la première fois, l'impassibilité dans laquelle il est retranché, derrière la vitre de son box, depuis trois semaines.
"Madame Beining, elle est là tous les jours, vous avez vu ? Elle vient ici pour quelque chose de très particulier", reprend l'avocate. "Elle voudrait savoir si c'est Cyril qui est mort le premier." "J'en sais rien", lâche Francis Heaulme. "Donc on se dit 'Il va nous dire ce qu'il a vu'", poursuit patiemment Me Boh-Petit. "Je vais quand même pas inventer", répond Heaulme, affirmant que les gendarmes lui ont mis "la pression" pour qu'il dise quelque chose. De sa voix douce, Me Boh-petit reprend, alors que sa cliente verse ses larmes. "Il n'y a plus que vous maintenant. Parce que dans deux jours, madame Beining, elle va au cimetière. Entretenir la tombe, les fleurs ... Elle veut savoir des choses simples". "Non, je sais rien", répète Heaulme.
"Mais monsieur Heaulme... si c'est pas vous c'est forcément quelqu'un d'autre" ? "Moi quand je suis passé a 16h45, y avait deux vélos, c'est tout". "Et deux enfants alors ? Si y a deux vélos y a deux enfants ?", interroge Me Boh-Petit. "Mais je suis pas monté sur le talus." Quelques mots encore, les plus clairs que l'on ait entendus de la bouche de l'accusé depuis le début du procès, puis le silence, encore. "Vous réfléchirez monsieur Heaulme? Il y a encore demain", conclut Me Boh-Petit.
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