"Je voulais à la base qu'il me mettre en relation avec des connaissances à lui, notamment dans l’immobilier." Devant les assises de Seine-Saint-Denis, Virginie Ettel tente de "reprendre l'histoire depuis le début". Pantalon et gilet noir, longs cheveux blonds sur les épaules, la quadragénaire s'exprime doucement. Régulièrement, le président et les avocats de la défense lui demandent de parler plus fort, pour raconter les différents épisodes de son "histoire" avec Georges Tron.
"Je suis réflexologue depuis dix ans !". La première rencontre, d'abord. Elle a lieu au printemps 2008, en présence de l'assistante de Georges Tron, Lucile M.. Virginie Ettel cherche du travail. "On parle de livres, du surf, de plein de choses", se souvient-elle. "Je dis que je commence à découvrir quelque chose qui s'appelle l'acupression (une technique qui consiste à stimuler des points d'acupuncture par la pression des doigts, ndlr), il se lève et il me dit : "ce n'est pas possible, moi je suis réflexologue depuis 10 ans !"
Selon le récit de la plaignante, Georges Tron défait alors la fermeture de sa bottine et touche sa voûte plantaire. Virginie Ettel est "surprise". "Mais je ne me suis pas sentie agressée à ce moment-là", reconnaît-elle. Le maire de Draveil insiste pour l'inviter à dîner le samedi suivant. "Il a regardé Lucile et il a dit : 'ma p'tite Lulu, tu réserves le Jap !'"
Un livre de médecine et des mi-bas. Le premier dîner, ensuite. En arrivant au restaurant japonais, Georges Tron donne à Virginie Ettel un livre sur la médecine chinoise - "j'ai trouvé ça très gentil" - et une paire de mi-bas. "Il nous explique que c'est un prototype qu'il souhaite développer avec un ami réflexologue." L'édile demande à la jeune femme de les mettre."Je suis un peu gênée parce qu'on est au restaurant, mais je me dis pourquoi pas, je vais peut-être apprendre quelque chose."
S'en suivent des "caresses" sous la table pendant tout le repas, poursuit Virginie Ettel. Et cette réflexion de Lucile M., glissée aux toilettes en quittant le restaurant : "ne t'inquiète pas, il fait ça à tout le monde." Deux mois plus tard, Virginie Ettel est employée à la mairie de Draveil. "Pour moi, c'était une opportunité. Ça n'allait pas se reproduire dans un cadre professionnel".
"Assieds-toi, je te trouve tendue". Et puis, le déjeuner où tout bascule. La plaignante travaille à la mairie de Draveil depuis un peu plus d'un an. Lors de repas professionnels, Georges Tron a pris l'habitude de "lui soulever le pied avec le dessous de (sa) chaussure". Les volets sont systématiquement fermés et la pièce éclairée à la bougie, car "elle donne sur la rue". Ce jour de novembre 2009, ce sont deux représentants d'une association de pêche qui sont invités à la mairie, en présence de Brigitte Gruel.
Les convives s'en vont. "Monsieur Tron me dit : 'assieds-toi, je te trouve tendue'", murmure Virginie Ettel, en larmes. La plaignante raconte la porte fermée à clé par Brigitte Gruel, les caresses, jusqu'à une main glissée vers son intimité. "Qu'est ce que vous ressentez pendant cette scène ?", demande le président. "Je suis là, mais je suis partie. Je suis absente, toute molle. Une poupée de chiffon, un corps inerte. Il faut être stupide pour ne pas comprendre qu'il n'y a pas de consentement."
"Si ça n'est pas de la surprise...". Dans la salle muette, le président rappelle les éléments constitutifs du viol : une pénétration avec contrainte, violence, menace ou surprise. "Je pensais rentrer travailler, je me retrouve enfermée à clé et il y a deux personnes qui se jettent sur moi", rétorque la plaignante, retrouvant ses esprits. "Si ça n'est pas de la surprise..." Du côté des accusés, Me Dupond-Moretti lève les yeux au ciel. Alors que le président commence à égrener les contradictions qui émaillent le discours de la plaignante, la défense fourbit ses armes. Elle interrogera Virginie Ettel dans l'après-midi.