Quelle histoire faut-il enseigner aux élèves ? Les futurs programmes, dont la première mouture a généré de violentes polémiques sur la place de la chrétienté, des Lumières ou encore le "récit national", sont débattus mercredi à la Sorbonne.
Opération déminage. Parmi les participants à ce forum ouvert par la ministre de l'Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem, figurent des détracteurs de certains aspects du projet, comme l'historien Pierre Nora, d'autres qui l'ont défendu et des représentants d'associations de professeurs d'histoire.
Cette journée de réflexion est organisée par le Conseil supérieur des programmes (CSP), en charge de la rédaction des futurs programmes scolaires. "Compte tenu de polémiques", le CSP organise ce forum "pour recueillir les avis à la fois les plus informés et les plus libres qui soient", selon son président Michel Lussault."Il nous appartient de rétablir ce que les passions dérobent" à la réalité, a déclaré la ministre de l'Education, en ouverture de cette journée de discussions.
La première version des programmes a déclenché de vives critiques d'historiens, intellectuels ou politiques, parfois très éloignées des textes - d'où les propos de Najat Vallaud-Belkacem s'en prenant aux "pseudo-intellectuels". Certaines maladresses dans leur rédaction, reconnues par Michel Lussault, ont aussi pu favoriser de mauvaises interprétations du futur texte.
Rétablir des vérités. Certains ont reproché aux futurs programmes de remplacer l'enseignement de la chrétienté par l'islam, ce qui est faux : l'islam sera enseigné en cinquième, comme il l'était déjà, le judaïsme et la chrétienté seront toujours enseignés en sixième, car les programmes, contrairement à ce qui a parfois été dit, sont chronologiques. "L'enseignement de l'histoire de l'islam est obligatoire depuis plus de 50 ans en France", avait rappelé Michel Lussault, invité sur Europe 1 début mai.
D'autres ont critiqué une distinction entre les périodes obligatoires et celles qui seront laissées au choix de l'enseignant, comme le siècle des Lumières. Le président du CSP a "admis que la rédaction de ces programmes d'histoire comportait certains défauts, qui ne les rendaient pas clairs, et notamment cette histoire d'obligatoire-facultatif, sur laquelle je souhaite que l'on revienne", a expliqué Najat Vallaud-Belkacem.
Certains fustigent aussi une tendance à la "repentance", jugeant trop grande la place accordée aux pages sombres de l'histoire de France, au détriment des périodes glorieuses. "Tout ce qui rappelle tant les racines chrétiennes de la France que le fait national (conflits, annexions de provinces, traités entre États) se trouve passé sous silence", a déploré dans Le Figaro Patrice Gueniffey, directeur d'études à l'École de hautes études en sciences sociales (EHESS).
Récit contre roman national. Ces programmes portent "une forme de culpabilité nationale qui fait la part belle à l'islam, aux traites négrières, à l'esclavage et qui tend à réinterpréter l'ensemble du développement de l'Occident et de la France à travers le prisme du colonialisme et de ses crimes", a renchéri Pierre Nora dans le Journal du dimanche.
Pour Najat Vallaud-Belkacem, le programme "doit raconter un récit national, pas un roman national, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas de fiction". Il faut "faire comprendre aux jeunes gens le monde dans lequel ils vivent, en connaissant le passé de la France" mais également "la France dans le monde". "Les périodes glorieuses comme les périodes sombres servent à comprendre comment la France est devenue la France."