Le redoublement pourrait faire un retour en force dans les écoles en France. Un projet de décret, qui prévoit de redonner davantage de pouvoir aux enseignants, va en effet être examiné mercredi dans ce sens. Il pourrait être appliqué dès cette année. Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'Éducation, prend donc le contre-pied de sa prédécesseure socialiste Najat Vallaud-Belkacem, qui avait considérablement affaibli cette pratique.
Le "conseil des maîtres" pourra proposer le redoublement… Selon l'AFP, qui a obtenu une copie du projet de décret, un redoublement pourra "être proposé en conseil des maîtres dans le cas où le dispositif d'accompagnement pédagogique mis en place n'a pas permis de pallier les difficultés importantes d'apprentissage rencontrées par l'élève".
Le texte rendrait donc le redoublement plus facile à mettre en place, alors qu'en 2013, l'ancienne ministre de l'Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, l'avait qualifié dans un décret d'"exceptionnel" et soumis à des critères précis : l'échec au bac, la volonté des parents ou encore une absence de plusieurs mois de l'élève.
Le projet de décret précise également : "Le conseil de classe pourra alerter en cours d’année sur un risque de redoublement, il proposera alors un accompagnement à l’élève (stage, tutorat…) et, s’il y a malgré tout un échec, le chef d’établissement pourra in fine décider d’un redoublement en fin d’année". Pour rappel, aujourd'hui, ce sont les parents seuls qui peuvent demander le redoublement pour leur enfant.
… qui devrait néanmoins rester "exceptionnel". Si les critères instaurés en 2014 pour décrire "l'exceptionnalité" du redoublement vont disparaître, ce projet de décret n'est cependant pas synonyme d'une multiplication des redoublements. Celui-ci doit même rester… "exceptionnel", indique ainsi une source gouvernementale.
C'est un texte qui réinstaure l'autorité de l'école et de ce point de vue-là, c'est un signal symbolique assez fort
Jean-Rémi Girard, du syndicat national des lycées et collèges (Snalc), confirme. "Ce n'est pas un signal qui dit 'C'est reparti pour le redoublement'. En revanche, c'est un signal qui dit qu'il faut faire confiance à l'institution scolaire, au personnel de l'Éducation nationale, car ce sont des professionnels, ce sont des spécialistes", explique-t-il. "C'est un texte qui réinstaure l'autorité de l'école et de ce point de vue-là, c'est un signal symbolique assez fort, assez intéressant, même si dans les faits, ça ne veut absolument pas dire que l'on va avoir une explosion des redoublements", précise-t-il.
Dans un rapport de 2015, le Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco) soulignait que "dans la majorité des études, le redoublement n'a pas d'effet sur les performances scolaires à long terme". Pour Frédéric Rolet, secrétaire générale du Snes-FSU, "ce texte ne va sans doute pas changer grand-chose sur le terrain, on a le sentiment qu’il s’agit surtout de dire aux professeurs qu’on prend en compte leur avis".
"Si la famille refuse, il n'y aura pas de redoublement", déploire le Snes. Le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui se décrit aussi comme "le ministre des professeurs", avait annoncé la couleur après sa prise de fonction : il veut redorer le blason des enseignants et de l'école.
Ce projet de décret y parvient-il ? En partie seulement, pour la secrétaire générale du Snes. Selon Valérie Sipahimalani, le projet de décret ne va pas assez loin : "On nous donne le pouvoir d'informer, de suggérer le redoublement en conseil de classe, mais si la famille refuse, il n'y aura pas de redoublement". Elle rappelle de plus que le redoublement "n'est pas ce qu'il y a de plus efficace". "Ce qu'il faut, c'est donner un coup de main aux élèves au fil de l'année. Mais on n'a pas souvent les moyens de le faire", déplore la syndicaliste.
Le projet de décret présenté au CSE le 14 décembre. C'est devant une commissions spécialisée que le projet de décret va être examiné mercredi. Il sera ensuite présenté au Conseil supérieur de l'Éducation (CSE) le 14 décembre prochain. La mesure, elle, pourrait être appliquée dès cette année scolaire.
La France, championne du redoublement. En 2013, selon les dernières statistiques du ministère de l’Éducation nationale, 24% des élèves de 3ème avaient déjà redoublé une fois dans leur vie, et 2% avaient déjà redoublé à deux reprises. La France est ainsi le cinquième pays du monde ayant le plus recours au redoublement et elle reste encore largement au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE, où 12% des élèves ont redoublé une fois en troisième. Ces chiffres témoignent d’un certain attachement historique des Français. Selon une enquête du Cnesco, 70% des parents et 64% des enseignants sont d’accord avec la phrase "Le redoublement permet réellement à l’élève de rattraper son retard et d’être mieux préparé pour les classes supérieures". Un sondage Elabe publié en juin 2017 indique même que 78% des Français souhaitent que le redoublement soit plus "facile".