"La lutte contre le djihadisme est sans doute le grand défi de notre génération", a déclaré le Premier ministre, lundi matin, lors d'une conférence de presse. Juste avant, il avait réuni le Comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). Lors de ce conseil où douze ministres étaient présents, le Manuel Valls a détaillé la feuille de route du nouveau plan gouvernemental visant à mieux lutter contre le terrorisme et la radicalisation. Deux ans après la mise en place du premier plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes, le gouvernement dégaine pas moins de 80 mesures, comme l'a révélé Le Parisien. Certaines sont nouvelles, d'autres viennent réaffirmer et compléter les dispositions déjà prises en matière de lutte contre le terrorisme.
Ces mesures relèvent à la fois du domaine sécuritaire, mais se consacrent aussi à la déradicalisation et à la prévention. Ce plan, doté d'une enveloppe de 40 millions d'euros supplémentaires d'ici 2018, vise à en effet à doubler, en deux ans, les capacités de prise en charge des jeunes actifs dans les réseaux djihadistes - ou susceptibles de rejoindre leurs rangs - et de leurs familles.
Une détection et une prévention accrues. Le plus gros volet du plan gouvernemental concerne la prise en charge des personnes radicalisées et la détection de celles qui basculent ou risquent de basculer dans le djihad. Savoir repérer ces signes est en effet une chose sensible, certains jeunes sachant faire preuve de dissimulation auprès de leurs proches.
La détection des signes de radicalisation va donc être renforcée à l'école, avec la mise en place de cycles de formation pour les enseignants. Les contrôles seront aussi amplifiés dans les centres sportifs : l'an dernier, un rapport avait pointé du doigt certaines dérives. Désormais, les clubs pourront perdre leur agrément s'il s'avère qu'ils font office de foyer de radicalisation. Un module de sensibilisation sera par ailleurs ajouté lors de la journée défense et citoyenneté, obligatoire pour les jeunes entre 16 et 25 ans.
Agir en amont pour prévenir et traquer la radicalisation. En aval pour la combattre et pour protéger les Français. pic.twitter.com/Y0YQPoZPOI
— Manuel Valls (@manuelvalls) 9 mai 2016
L'implantation de centres de réinsertion et citoyenneté. Manuel Valls a annoncé lundi la création, d'ici fin 2017, d'un centre de "réinsertion et de citoyenneté" dans chaque région. Outre-mer, un centre est envisagé à Mayotte, selon le gouvernement. La première de ces structures, destinées à accueillir des jeunes radicalisés, ouvrira ses portes cet été, à Beaumont-en-Véron, en Indre-et-Loire, malgré la crainte et l'hostilité de certains habitants. Les premiers accueillis "pourront être des repentis dont nous éprouverons la sincérité et la volonté de réinsertion dans la durée", a précisé le Premier ministre.
L'objectif de ces centres d'hébergement d'une trentaine de personnes est d’endiguer les départs des candidats au djihad et d’amorcer un processus de déradicalisation. "Au moins la moitié" des futurs établissements accueilleront "à la demande de l'autorité judiciaire", des personnes "qui ne peuvent pas être placées en détention", a également indiqué Manuel Valls.
La création d'une "cellule de coordination et d'appui". Afin de mieux coordonner la création et le fonctionnement de ces structures, une "cellule nationale de coordination et d'appui" à l'action des préfets, des départements et des associations va être créée au sein du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, qui verra ses effectifs renforcés. Un "conseil scientifique permanent" sur la radicalisation et le terrorisme va aussi être mis en place, permettant de coordonner un réseau de recherche, et de renforcer les liens entre chercheurs et fonctionnaires de l'antiterrorisme.
Des moyens de surveillance amplifiés. Si le plan gouvernemental s'inscrit dans une perspective pluridisciplinaire, et touche essentiellement la prévention de la radicalisation, l'aspect sécuritaire n'est pas pour autant mis de côté. Le fichier dit PNR ("Passenger Name Record") "entrera progressivement en vigueur" cet été, pour une exploitation régulière en décembre, a annoncé Manuel Valls. Ce registre européen des données de voyageurs prenant l'avion, "sera le premier mis en oeuvre en Europe continentale", s'est-il félicité, alors que la France a été le fer de lance son adoption au niveau européen, le mois dernier.
Chaque époque a ses défis. La lutte contre le djihadisme est le grand défi de notre génération. pic.twitter.com/KzJhLTwb88
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D'autre part, une plus grande surveillance des sites sensibles - notamment les sites Seveso - sera exercée sur le territoire, et un plan de vidéoprotection de l'Ile-de-France, d'ici deux ans, a été présenté pour un budget total de 38 millions d'euros.
La perpétuité réelle pour les terroristes. Le plan de lutte reprend ainsi l'une des dispositions clé du projet de loi sur la lutte contre le crime organisé et le terrorisme : la perpétuité réelle pour les personnes condamnées pour des actes terroristes. Selon cette mesure, déjà adoptée par le Sénat début avril, leur période de sûreté passerait de 22 ans à 30 ans.
Le développement du renseignement pénitentiaire. Enfin, autre mesure reprise par le plan gouvernemental, et présente dans le projet de réforme pénale en cours d'examen au Parlement : le renseignement pénitentiaire. Celui devrait être renforcé, car la prison peut être un lieu de radicalisation. Il le sera d'abord en termes d'effectifs, mais aussi avec le recours à des moyens plus développés : les agents du renseignement pénitentiaire pourront à présent demander eux-mêmes des placements sur écoutes. Une grille commune visant à repérer les détenus radicalisés, dont l'expérimentation a été lancée en avril, va également être instaurée dans tous les établissements pénitentiaires français.