Les initiatives du type Simplissime, qui se définit comme le "livre de cuisine le plus facile du monde", semblent faire recette. Les "nuls" se mettent-ils donc à la cuisine ?
Vous ne savez pas vous servir d'un four ? Vous ignorez le sens du mot "déglacer" ? Le nom de la plupart des aliments vous est inconnu ? Qu'importe, vous n'avez plus d'excuses pour cuisiner. Entre les "tutos" vidéos qui abondent sur la toile, les livres de recettes "pour les nuls" et les sites internet pédago-gastronomiques en tout genre, il n'a jamais été aussi facile de trouver une recette facile à faire. Le succès du livre Simplissime (Hachette), vendu à plus de 300.000 exemplaires, pourrait d'ailleurs laisser croire que les "nuls" enfilent enfin leurs tabliers. Face à l'engouement record de l'ouvrage, qui se vent mieux qu'un Goncourt, l'auteur, le cuisinier Jean-François Mallet, vient de sortir un nouvel opus, Simplissime "light". Mais qui consulte vraiment ces recettes "simplissimes" ? Témoignages.
" Ça m'a donné confiance en moi "
Le livre Simplissime se présente comme le "livre de cuisine le plus facile du monde". Tout y est fait, en effet, pour faciliter la vie des manchots des fourneaux. Les 200 recettes qui s'y trouvent (il y en a encore 200 de plus dans la version "light") tiennent sur deux pages : à droite, l'image du plat fini, à gauche, celles des ingrédients, pas plus de six. Le livre ne propose que des produits accessibles en supermarché. Et à chaque fois, vous avez quelques lignes d'explications, en gros caractères, pour indiquer comment s'y prendre.
Marie-Lou, la trentaine et habituée des fourneaux, résume l'esprit de l'ouvrage en une phrase : "c'est plus que simplissime, puisque c'est mon mari qui a cuisiné !" "Ça m'aide à me mettre à la cuisine", reconnaît lui aussi Aurélien, 28 ans et célibataire. "Les recettes sont simples, mais elles en jettent. Je recevais des amis récemment, et je leur ai fait un 'poulet façon coq au vin'. Il suffit de mélanger les ingrédients et de laisser cuire deux heures ! Résultat : c'était bon, la viande était tendre", raconte-t-il. Et d'enchaîner : "ça m'a permis de me mettre en confiance et d'essayer d'autres recettes plus compliquées".
Thibaud, 45 ans, vit seul avec ses deux enfants. On lui a offert Simplissime en cadeau. Et toute la famille a pu en profiter. "J'adore manger mais faire la cuisine et les courses, pas vraiment. Et puis j'avais un peu peur du vocabulaire des livres de cuisine. Je n'ai jamais vraiment compris ce que signifie 'déglacer' par exemple. Avec les enfants, on a donc tendance à manger à peu près toujours la même chose : des steaks, des blancs de poulet, et toujours les mêmes légumes", énumère-t-il. "Avec le bouquin, j'ai pu découvrir de nouveaux aliments, des nouvelles recettes. Je leur fait des soupes par exemple. C'est bon, c'est simple. Et surtout, j'ai l'impression d'être un gamin de CP qui apprend à lire ! J'ai l'impression de découvrir plein de choses", poursuit-il.
" Sur internet, je peux bloquer la vidéo "
Mais la mayonnaise ne prend pas pour tout le monde. Certains "nuls" préfèrent en effet aller sur internet, peu importe la prétendue simplicité de l'ouvrage. Sur la toile, ils peuvent taper précisément ce qu'ils veulent. Et surtout, il y a des vidéos, souvent ultra-courtes, très didactiques, comme sur les pages Facebook "Démotivateurs", "Tasty" ou "TipHero", qui font un carton d'audience.
"Le problème d'un livre, c'est que les images sont statiques et peu nombreuses. Et l'on ne comprend pas toujours ce qu'il y a marqué !", explique Pauline, 29 ans. "Moi, par exemple, je ne sais même pas exactement ce que veut dire 'faire revenir un oignon'. Faut-il utiliser du beurre ? De l'huile ? Je préfère regarder des vidéos sur internet, au moins je peux bloquer l'image toutes les deux secondes pour avoir le temps d'imiter le cuisinier. Et pour les plats les plus basiques (œufs à la coque, pâtes bolognaises…) je vais sur des sites comme Marmiton, il y a de tout", poursuit-elle.
" Si on n'a pas les neurones qui se connectent, c'est difficile "
D'autres n'ont même pas le réflexe web. Ils peinent à se trouver des vocations, même avec les ouvrages les plus simples. Car pour faire la recette, encore faut-il laisser l'ouvrage ouvert ! Et lorsqu'on n'a du tout la fibre culinaire, difficile de s'y mettre vraiment. "Simplissime, par exemple, je l'ai fermé assez vite. Je me suis rendu compte que même ça, je n'arrivais pas à le faire. Il me parlait de 'mixeur', de 'cuit vapeur', ça m'a découragé", avoue Sandrine, la cinquantaine.
"Le problème, c'est que si tu n'as pas les neurones qui se connectent pour ça, la cuisine restera tout de même difficile !", renchérit Emmanuel, la quarantaine. "Moi, je ne comprends même pas comment fonctionne le préchauffage du four. Des livres de cuisine soi-disant 'pour les nuls', j'en ai au moins six. A chaque fois, je finis par lâcher. Je préfère utiliser une machine qui réchauffe au bain marie. En plus, ça ne salit pas la cuisine", martèle-t-il.
Thibaud, (cité plus haut), n'utilise d'ailleurs quasiment plus Simplissime, après un mois de petits plats. "Il y a un état d'esprit à avoir. Il faut a minima avoir sa recette en tête lorsque l'on va faire ses courses. Et moi, ça me gonfle un peu. Je pense que je le réutiliserai seulement de temps en temps, pendant les vacances", poursuit-il. Idem chez Marie-Lou, où son mari s'est servi du livre une fois en six mois.
" C'est un bon complément "
En réalité, beaucoup d'acheteurs de ce type d'ouvrages ne sont pas des novices de la cuisine. Simplissime mais aussi Jamie en 15 minutes, La cuisine pour les Nuls ou encore le Larousse de la cuisine… Ces ouvrages de "vulgarisation" servent souvent de "complément" à des ouvrages plus complexes. "Je m'en sers la semaine, pour faire des petits plats en sortant du boulot. Les recettes sont très bonnes, c'est simple et souvent à moindre prix. Simplissime, par exemple, c'est une amie qui me l'a recommandé. On aime bien cuisiner et on s'échange nos bons plans", explique Aurélie, 31 ans.
Même son de cloche chez Maxime, qui jongle avec les casseroles et les ouvrages comme Simplissime ou Larousse de la cuisine. "Je n'ai pas l'impression d'être un nul en cuisine. Je les utilise comme complément, pour varier les plaisirs", confie-t-il. Et d'enchaîner : "Il y a tellement de recettes, cela permet d'avoir plein d'idées. La mayonnaise bourguignonne par exemple, je n'aurais jamais pensé à la faire tout seul !"