Il y aurait entre trois et quatre millions de musulmans en France, selon une enquête inédite réalisée par l'Ifop et révélée dimanche matin par le Journal du dimanche. Une enquête réalisée à la demande de l'Institut Montaigne, cercle de réflexion privé à tendance libérale qui milite pour les statistiques ethniques ou le CV anonyme. Ce sondage a été mené durant neuf mois auprès de 1.029 Français(es) "de religion ou d'ascendance musulmane". Le but : tenter de connaître leur rapport à l'Islam, à la société ou à la politique. On vous résume ce qu'il faut retenir.
28% "d'ultras". L’Ifop a classé les personnes interrogées selon leurs pratiques. Il en ressort trois profils principaux. D'abord les "sécularisés", qui représentent 46% des sondés. Ces derniers sont "totalement laïcs même lorsque la religion occupe une place importante dans leur vie", écrit le JDD. Ensuite, les "islamic pride" ("fiers de leur religion"), qui représentent 25% du panel et "se définissent avant tout comme musulmans et revendiquent l’expression de leur foi dans l’espace public, mais rejettent le niqab et la polygamie". Ces derniers se disent en accord avec la laïcité et les lois de la République.
Enfin, l'Ifop isole un dernier groupe : les "ultras" (28%), "qui ont un profil autoritaire", nous explique le journal. Selon l'AFP, qui a pu consulter l'étude, ce dernier groupe réunit des croyants qui ont "adopté un système de valeurs clairement opposé aux valeurs de la République", s'affirmant "en marge de la société". Les jeunes, les moins insérés dans l'emploi et les convertis sont les plus disposés à adhérer à ce modèle, précise l'AFP.
"C'est 28% de musulmans qui seraient dits 'autoritaires', beaucoup plus fermés sur la religion, acceptant beaucoup plus difficilement les valeurs de la République. Mais ça ne veut pas dire ne les respectant pas. Ils peuvent très bien les respecter, mais être plus en délicatesse avec les règles communes", décrypte sur Europe 1 la journaliste Marie-Christine Tabet, qui signe l'enquête. "Mais attention, ça ne veut absolument pas dire radicalisés, ça veut juste dire des gens très rigoristes et mal à l'aise avec la laïcité", insiste-t-elle.
La part de ces "ultras" monte à 50% des sondés chez les moins de 25 ans... mais tombe à 20% chez les plus de 40 ans.
" Ces chiffres méritent d’être médités "
Le CFCM n'est pas connu. Autre enseignement de cette étude : seuls 68% des sondés connaissent le Conseil français du culte musulman (CFCM), pourtant censé les représenter. Seuls 16% se sentent par ailleurs représentés par Dalil Boubakeur, président de la Grande mosquée de Paris. Ils sont, en revanche, 37% à se retrouver dans Tariq Ramadan, chercheur et théologien souvent accusé de tenir un double-discours (laïc devant les uns, rigoriste devant les autres...) Autre enseignement qui ne devrait pas faire les affaires du CFCM : 70% des musulmans (et 77% des "ultras") interrogés s’informent sur internet. Or, le CFCM vient de fermer son site internet...
Plus halal et voile que mosquées. Alimentation halal et port du voile apparaissent comme des pratiques centrales pour les musulmans de France : "80% des pratiquants et 67% des non-religieux considèrent que les enfants devraient pouvoir manger halal dans les cantines scolaires", nous apprend ainsi le JDD. Pour le voile, "60% des sondés estiment que les jeunes filles devraient pouvoir porter le voile à l’école et au collège contre 37% des non-musulmans". "En dehors de l’école, 65% sont favorables au port du voile et même 24% à celui du niqab", poursuit le Journal du dimanche.
En revanche, un chiffre surprenant : un tiers des sondés ne se rendent jamais à la mosquée, un tiers s'y rend uniquement pour les fêtes religieuses, 29% y vont chaque semaine et 5% quotidiennement. "Ces chiffres méritent d’être médités, au moment où le gouvernement tente une nouvelle fois d’organiser l’islam de France autour des lieux de culte", comment le journal.
Enfin, une écrasante majorité des musulmans interrogés ne refusent pas la mixité, acceptant de se faire soigner par un médecin (92,5%) ou de serrer la main d'une personne (88%) du sexe opposé.
Jeune, en CDI et en couple. Dernier enseignement majeur de ce sondage : la moyenne d'âge des musulmans interrogés est de 35,8 ans, contre 53 ans chez les chrétiens ou 43 ans chez les sans-religions. 55% des sondés vivent en couple, dont 77% avec un conjoint musulman. 55% sont par ailleurs en CDI, 41% ont un niveau inférieur au Bac et 33% ont, au contraire, un niveau d'études supérieur à Bac+2. 74% des sondés sont de nationalité française et 50% sont mêmes Français de naissance.
METHODOLOGIE - Le sondage a été réalisée par téléphone entre le 13 avril et le 23 mai 2016 auprès de 1.029 personnes : 874 de religion musulmane et 155 "non musulmanes ayant au moins un parent d’ascendance musulmane", écrit le JDD. Ce panel a été extrait d’un échantillon national représentatif (méthode des quotas) de 15.459 personnes âgées de 15 ans et plus, résidant en métropole, fourni par l'Insee.